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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/415

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SIXIÈME ENNÉADE.

se contenant ainsi il n’est nulle part éloigné de lui-même, il est partout en lui-même. Il n’est séparé d’aucun autre être par une distance locale : car il existait avant toutes les choses qui sont dans un lieu ; il n’avait aucun besoin d’elles ; ce sont elles, au contraire, qui ont besoin d’être édifiées sur lui[1]. Quand elles sont édifiées sur lui, il ne cesse pas pour cela d’avoir son fondement en lui-même. Si ce fondement venait à être ébranlé, aussitôt toutes les autres choses périraient, puisqu’elles auraient perdu la base sur laquelle elles reposaient[2]. Or, cet Être ne saurait perdre la raison au point de se dissoudre en s’éloignant de lui-même, et d’aller, quand il se conserve en demeurant en lui-même, se confier à la nature trompeuse du lieu[3] qui a besoin de lui pour être conservé.

X. Cet Être demeure donc sagement en lui-même, et il ne saurait devenir inhérent aux autres choses. Ce sont celles-ci au contraire qui viennent se suspendre à lui, cherchant comme avec passion où il se trouve. C’est là cet amour qui veille à la porte de ce qu’il aime[4], qui se tient

  1. « Les hommes, ne pouvant pas être par eux-mêmes, sont contenus dans un lieu et subsistent dans le Verbe de Dieu ; mais Dieu est par lui-même, contenant toutes choses et n’étant contenu par aucune d’elles : car il est en toutes choses par sa bonté et sa puissance, et il est hors de toutes choses par sa nature propre. » (S. Athanase, Lettre sur les Décrets du concile de Nicée, § 11.)
  2. « An vero cœlum et terra quæ fecisti, et in quibus me fecisti, capiunt te ? An quia sine te non esset quidquid est, fit ut quidquid est capiat te ? Quoniam itaque et ego sum, quid peto ut venias in me, qui non esseni nisi esses in me ? An potius non essero nisi essem in te, ex quo omnia, per quem omnia, in quo omnia ? » (S. Augustin, Confess., I, 2.)
  3. Voy. le passage de Platon cité ci-après p. 367, note 4.
  4. « L’Amour est toujours pauvre, et non pas délicat et beau comme la plupart des gens se l’imaginent, mais maigre, défait sans chaussure, sans domicile, n’ayant point d’autre lit que la terre, point de couverture, couchant à la belle étoile auprès des portes et dans les rues, enfin, en digne fils de sa mère, toujours misérable. » (Banquet, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 300.)