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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/430

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LIVRE SIXIÈME.

raît comme multiple ; si vous dites qu’il est multiple, il vous fait encore mentir : car, où chaque chose n’est pas une, toutes choses ne forment pas une multitude. Telle est encore la nature de l’infini que, selon une manière de le concevoir, il est mouvement, et selon une autre, stabilité : car la propriété qu’il a de ne pouvoir être vu par lui-même constitue un mouvement qui l’éloigne de l’intelligence[1] ; la propriété qu’il a de ne pouvoir échapper, d’être embrassé extérieurement, d’être circonscrit dans un cercle qu’il ne saurait franchir, constitue une espèce de stabilité. On ne peut donc attribuer à l’infini le mouvement sans lui attribuer aussi la stabilité.

IV. Examinons maintenant comment les nombres font partie du monde intelligible. Sont-ils inhérents aux autres formes ? Ou bien sont-ils de toute éternité les conséquences de l’existence de ces formes ? Dans le second cas, l’Être même possédant l’existence première, nous concevrions d’abord la monade ; puis, le Mouvement et la Stabilité émanant de lui, nous aurions la triade ; et chacun des autres intelligibles nous ferait ainsi concevoir quelqu’un des autres nombres. S’il n’en était pas ainsi, si une unité était inhérente à chaque intelligible, l’unité inhérente à l’Être premier serait la monade ; l’unité inhérente à ce qui vient après lui, s’il y a un ordre dans les intelligibles, serait la dyade ; enfin l’unité inhérente à un autre intelligible, à dix, par exemple, serait la décade. Cependant il ne saurait encore en être ainsi, mais chaque nombre est conçu comme existant par lui-même. — Dans ce cas, faut-il admettre que le nombre est antérieur aux autres intelligibles ou qu’il leur est postérieur ? — Platon dit à ce sujet que les hommes sont arrivés à la notion du nombre par la succession des jours et des nuits[2], et il

  1. Voy. Enn. II, liv. IV, § 10 ; t. I, p. 209.
  2. « Pour qu’il y eût mesure claire des rapports de lenteur et de vitesse de ces cercles, et pour diriger ces huit révolutions, Dieu alluma dans le