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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/432

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LIVRE SIXIÈME.

dire la même chose de tous les intelligibles, et est-ce de là que naissent tous les nombres ? — Mais, s’il en est ainsi, comment existent là-haut la dyade et la triade ? Comment toutes choses sont-elles contemplées dans l’un, et comment le nombre, ayant une pareille nature, pourra-t-il être ramené à l’un ? Il y aura ainsi une multitude d’unités, mais aucun nombre ne sera ramené à l’un, excepté l’Un absolu. — La dyade, dira-t-on peut-être, est la chose ou plutôt un aspect de la chose qui possède deux puissances jointes ensemble, tel qu’est un composé ramené à l’unité, ou tels que les Pythagoriciens concevaient les nombres, qu’ils semblent avoir affirmés des choses par analogie : ils disaient que la justice, par exemple, était la tétrade[1], et de même pour le reste. De cette manière, ce serait plutôt à la multitude contenue dans la chose qui est une que serait lié le nombre qui serait un sous ce rapport, comme la décade, par exemple. Ce n’est cependant pas de cette façon que nous concevons dix : c’est en rassemblant des objets séparés et en disant qu’ils sont dix ; puis, si ces dix objets constituent une nouvelle unité, nous l’appelons décade. Il doit en être de même des nombres intelligibles. — Si les choses se passaient ainsi [répondrons-nous], si le Nombre n’était

  1. Les Pythagoriciens pensaient que les principes des mathématiques étaient les principes de tous les êtres. Les nombres sont de leur nature antérieure aux choses ; et les Pythagoriciens croyaient apercevoir dans les nombres plutôt que dans le feu, la terre et l’eau, une foule d’analogies avec ce qui est et ce qui se produit. Telle combinaison de nombres (τὸ τοιόνδε τῶν ἀριθμῶν πάθος (to toionde tôn arithmôn pathos)), par exemple, leur semblait être la justice, telle autre l’âme et l’intelligence, telle autre l’à-propos ; et ainsi à peu près de tout le reste, » (Aristote, Métaphysique, liv. I, ch. 5 ; trad. de MM. Pierron et Zévort, t. I, p. 23.) Quant à la tétrade, elle figurait dans le célèbre serment des Pythagoriciens : « J’en jure par celui qui a donné à notre école la tétrade, laquelle contient la source et la racine de la nature perpétuelle. » Voy. Jamblique, Vie de Pythagore, ch. xxviii, § 150, et ch. xxix, § 162.