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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/450

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LIVRE SIXIÈME.

connaissait donc cette chose d’avance ; s’il la connaissait d’avance, il était donc cette chose, il était identique à ce dont il affirme l’existence. Quand il dit : un certain objet, il affirme l’un, comme lorsqu’il parle de certains objets, il dit qu’ils sont deux ou plusieurs. Si donc on ne peut concevoir quelque objet que ce soit sans un, ou deux, ou un autre nombre, on ne saurait soutenir que la chose sans laquelle on ne peut rien affirmer ni concevoir n’existe en aucune manière. Nous ne pouvons en effet refuser l’existence à la chose sans l’existence de laquelle nous ne saurions rien affirmer ni concevoir. Or, ce qui est partout nécessaire pour parler et pour concevoir doit être antérieur à la parole et à la conception, afin de concourir à leur production. Si de plus cette chose est nécessaire à l’existence de chaque être (car il n’y a point d’être qui ne soit un), elle est antérieure à l’essence et elle l’engendre. C’est pourquoi on dit : un être, au lieu d’énoncer d’abord être, puis un : car dans l’être il faut qu’il y ait un pour qu’il y ait plusieurs ; mais [la réciproque n’a pas lieu] l’un ne contient pas l’être, à moins qu’il ne le produise lui-même en s’appliquant à l’engendrer. De même, le mot cela [employé pour désigner un objet] n’est pas un mot dénué de sens : car, au lieu de nommer l’objet, il énonce son existence, sa présence, son essence ou quelque autre de ses manières d’être. Le mot cela n’exprime donc pas une chose sans réalité, il n’énonce pas une conception vide, mais il désigne l’objet comme pourrait le faire le nom propre.

XIV. Quant à ceux qui de l’un font un relatif, on peut leur répondre que l’un ne saurait perdre sa nature propre par suite de l’affection qu’un autre être éprouve sans qu’il soit lui-même affecté. Pour qu’il cesse d’être un, il faut qu’il éprouve la privation de l’unité en se divisant en deux ou plusieurs. Si, étant divisée, une masse devient deux sans être détruite en tant que masse, évidemment il y avait en elle outre le sujet l’unité, et elle l’a perdue parce que