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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/472

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LIVRE SEPTIÈME.

non sa raison d’être (son pourquoi, τὸ διὸτι (to dioti)[1]) ; ou bien, si nous accordons que la raison d’être se trouve dans l’Intelligence, nous ne croyons pas qu’elle y soit séparée de l’essence[2]. Supposons que l’homme, par exemple, ou, si c’est possible, que l’œil s’offre à notre contemplation [dans le monde intelligible], comme le ferait une statue ou une partie d’une statue. L’homme que nous voyons là-haut est à la fois telle essence (τόδε (tode)[3]) et sa raison d’être. Il doit, aussi bien que l’œil, être intellectuel (νοερός (noeros)), et contenir sa raison d’être ; sans cela, il ne saurait exister dans le monde intelligible, ici-bas, de même que chaque partie est séparée des autres, de même la raison d’être est séparée [de l’essence]. Là-haut, au contraire, toutes choses sont dans l’unité, et chacune d’elles est identique à sa raison d’être. Cette identité s’offre souvent même ici-bas, dans les éclipses, par exemple[4]. Qui donc empêche que dans le monde intelligible chaque chose ne possède, outre le reste, sa raison d’être, et que sa raison d’être ne constitue son essence ?

  1. Par cette expression, Plotin désigne à la fois la cause efficiente et la cause finale, comme l’explique Ficin : « Duo de quolibet potissima quæri solent : quid videlicet, et propter quid res ipsa sit. Illud quidem explicatur definitione, hoc autem declaratur assignatione causœ efficientis atque finalis ; et invicem conjuncta sunt ambo. »
  2. « La cause, au point de vue de la définition, c’est l’essence. Dans certains cas, l’essence est la raison d’être. » (Aristote, Métaphysique, liv. VII, chap. 17.)
  3. Aristote emploie ce terme pour exprimer l’objet immédiat de l’intuition, et par suite l’essence, l’être individuel par opposition à la qualité qui est l’objet d’une conception générale. Voy. Métaphysique, liv. VII, chap. 1.
  4. Cet exemple est aussi emprunté à Aristote : « La substance est un principe et une cause ; c’est de ce point de vue qu’il nous faut partir. Or, se demander le pourquoi, c’est toujours se demander pourquoi une chose existe dans une autre… Chercher pourquoi une chose est elle-même, c’est ne rien chercher. Il faut que la chose dont on cherche le pourquoi se manifeste réellement : il faut, par exemple, qu’on ait vu que la lune est sujette à des éclipses. » (Métaphysique, liv. VII, chap. 7 ; trad. fr., t. II, p. 61.)