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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/476

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LIVRE SEPTIÈME.

Ainsi, quand on assigne la cause d’une chose, on explique tout. Pourquoi dans l’homme des yeux, des sourcils ? C’est pour qu’il possède tout ce qui est impliqué dans son essence. Dira-t-on que ces parties du corps lui sont données pour le garantir des dangers ? Ce serait établir dans l’essence même un principe chargé de veiller sur l’essence. Les choses dont nous parlons sont Impliquées dans l’essence qui existait avant elles. Par conséquent, l’essence renferme en elle-même la cause, qui, si elle est distincte de l’essence, en est cependant inséparable. Toutes les choses sont impliquées les unes dans les autres ; prises toutes ensemble, elles constituent l’Essence totale, parfaite, universelle ; leur perfection est liée et inhérente à leur cause : ainsi l’essence d’un être (οὐσία (ousia)), son caractère propre (sa quiddité, τὸ τί ἧν εἶναι (to ti hên einai)) et sa raison d’être (τὸ διότι (to dioti)) ne font qu’un. Si donc avoir des sens, et des sens de telle sorte, est impliqué dans la forme de l’homme par la nécessité éternelle et par la perfection de l’Intelligence divine, qui, en vertu de sa perfection, renferme en soi les causes [aussi bien que les essences][1] ; si c’est seulement a posteriori que

  1. Il est nécessaire que nous entrions ici dans quelques explications pour l’Intelligence de cette phrase et de la discussion qui va suivre. Selon Plotin, l’homme réunit en lui les trois degrés de l’existence : il est forme intelligible ou idée, âme et raison séminale. Il possède aussi trois facultés qui correspondent à ces trois formes de l’existence, l’intelligence, la raison discursive, la sensibilité. Selon qu’il exerce la première, la seconde ou la troisième, il jouit de la vie divine, humaine ou animale (comme nous l’avons déjà expliqué dans les Éclaircissements du tome I, p. 324) ; il est l’homme intellectuel, νοερός (noeros), l’homme raisonnable, λογιϰός (logikos), ou l’homme sensitif αἰσθητιϰός (aisthêtikos) ; ces trois formes de l’existence émanent l’une de l’autre et sont impliquées l’une dans l’autre. De ces prémisses résulte le sens de notre phrase : εἰ τοίνυν ἔγϰειται τὸ αἰσθητιϰὸν εἶναι, ϰαὶ οὔτως αἰσθητιϰὸν, ἐν τῷ εἴδει (ei toinun egkeitai to aisthêtikon einai, kai outôs aisthêtikon einai, en tô eidei). Au début de ce livre, § 1, Plotin a posé cette question : Pourquoi l’Homme, considéré comme Animal, possède-t-il des Sens ? Il y répond comme il suit dans la phrase que nous commentons ici : 1o L’Homme, considéré comme