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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/481

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SIXIÈME ENNÉADE.

d’une autre espèce, des sensations qui, quoiqu’elles paraissent claires, sont obscures, si on les compare aux sensations supérieures dont elles sont les images. L’homme supérieur [l’homme raisonnable] est meilleur, a une âme plus divine et des sensations plus claires. C’est lui sans doute que Platon définit [en disant : L’homme est l’âme[1]] ; il ajoute dans sa définition : qui se sert du corps, parce que l’âme plus divine domine l’âme qui se sert du corps, et qu’elle ne se sert du corps qu’au second degré[2].

En effet, la chose engendrée par l’âme étant capable de sentir, l’âme s’y attache en lui donnant une vie plus puissante ; ou plutôt, elle ne s’y attache pas, mais elle l’approche d’elle[3]. Elle ne s’éloigne pas du monde intelligible, mais tout en restant en contact avec lui, elle tient suspendue à elle-même l’âme inférieure [qui constitue l’homme sensitif], elle se mêle à cette raison par sa raison [elle s’unit à cette essence par son essence]. C’est pourquoi cet homme

    qu’Aristote adresse aux Pythagoriciens. Saint Augustin définit l’âme raisonnable à peu près de la même manière : « Animus mihi videtur esse substantia quœdam rationis particeps regendo corpori accommodata. » (De Quantitate animœ, I, 13.) Bossuet, dans son traité De la Connaissance de Dieu et de soi-même (chap. IV, § 1), traduit cette définition : « Nous pouvons définir l’âme raisonnable : substance intelligente née pour vivre dans un corps et lui être intimement unie. » Leibnitz dit aussi : « Il semble qu’il faut ajouter quelque chose de la figure et de la constitution du corps à la définition de l’homme, lorsqu’on dit qu’il est un animal raisonnable. » (Nouveaux Essais, II, § 8.) Voy. aussi le passage de Steinhart que nous ayons cité dans le tome I, p. 110, note 3.

  1. Cette définition se trouve dans le 1er Alcibiade (t. V, p. 110-112 de la trad. de M. Cousin) : « Faut-il te démontrer plus clairement que l’âme seule est l’homme ?… Y a-t-il quelque autre chose qui se serve du corps que l’âme ? »
  2. « J’appelle partie [de l’âme] séparée du corps celle qui se sert du corps comme d’un instrument, partie attachée au corps celle qui s’abaisse au rang d’instrument, etc. » (Enn. I, liv. I, § 3 ; t. I, p. 39.)
  3. Voy. ci-dessus, liv. iv, § 12, p. 329-330.