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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/490

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LIVRE SEPTIÈME.

sa nature, et elle trouve en elle-même de quoi compenser ce qui manque[1].

X. Mais comment peut-il y avoir quelque chose d’imparfait dans le monde intelligible ? Pourquoi l’animal intelligible a-t-il des cornes ? Est-ce pour sa défense[2] ? — C’est pour être complet et parfait. Il doit être parfait comme animal, parfait comme intelligence, parfait comme vie, de telle sorte que, s’il manque d’une qualité, il en ait une autre à la place. La cause des différences, c’est que ce qui appartient à une essence se trouve remplacé dans une autre essence par quelque autre chose, en sorte que l’ensemble [des essences] constitue l’Animal le plus parfait, la Vie la plus parfaite, l’Intelligence la plus parfaite, tandis que toutes les essences particulières qui se trouvent ainsi dans l’être intelligible sont parfaites en tant que particulières.

  1. On peut rapprocher de ce passage de notre auteur le morceau suivant de Fénélon qui en est comme le commentaire : « Cet être qui est infiniment voit, en montant jusqu’à l’infini, tous les divers degrés auxquels il peut communiquer l’être. Chaque degré de communication possible constitue une essence possible, qui répond à ce degré d’être qui est en Dieu indivisible avec tous les autres. Ces degrés infinis, qui sont indivisibles en lui, se peuvent diviser à l’infini dans les créatures, pour faire une infinie variété d’espèces. Chaque espèce sera bornée dans un degré d’être correspondant à ces degrés infinis et indivisibles que Dieu connaît en lui. Ces degrés que Dieu voit distinctement en lui-même, et qu’il voit éternellement de la même manière, parce qu’ils sont immuables, sont les modèles fixes de tout ce qu’il peut faire hors de lui. Voilà la source des vrais universaux, des genres, des différences et des espèces ; et voilà en même temps les modèles immuables des ouvrages de Dieu, qui sont les idées que nous consultons pour être » raisonnables. » (Fénelon, De l’Existence de Dieu, II, chap. 4.)
  2. Plotin fait ici allusion au passage suivant de Platon : « Les dieux comprenaient que les bêtes auraient besoin de se servir des ongles pour beaucoup d’usages, et c’est pour cela que dès la naissance des hommes ils ébauchèrent aussitôt la formation des ongles. » (Timée, p. 76 ; trad. de M. H. Martin, p. 205.)