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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/499

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SIXIÈME ENNÉADE.

ne penserait pas ; et si elle s’était jamais arrêtée, elle aurait été sans penser. Or cela n’est pas ; donc la Pensée existe, et son mouvement universel produit la plénitude de l’Essence universelle. L’Essence universelle est la Pensée qui embrasse la Vie universelle, et qui après une chose en conçoit toujours une autre, parce que, ce qui en elle est identique étant aussi différent, toujours elle divise et toujours elle trouve une chose différente des autres. Dans sa marche, l’Intelligence va toujours de la vie à la vie, des êtres animés aux êtres animés ; de même un voyageur, en s’avançant sur la terre, ne voit jamais s’offrir à ses yeux rien autre chose que la terre, quelques diversités qu’ait sa surface. Dans le monde intelligible, la vie dont on parcourt le champ est toujours identique à elle-même, mais aussi elle est toujours différente, Il en résulte qu’elle ne nous paraît pas identique, parce que dans son évolution (διέξοδος (diexodos)), qui est identique, elle parcourt des choses qui ne le sont pas ; elle ne change pas pour cela : car elle parcourt des choses différentes d’une manière uniforme et identique. Si cette uniformité et cette identité de l’Intelligence ne s’appliquaient pas à des choses différentes, l’Intelligence demeurerait oisive ; elle n’existerait plus en acte, elle ne serait plus acte. Or ces choses différentes constituent l’Intelligence même. L’Intelligence est donc universelle, parce que cette universalité forme son essence même. Ainsi, étant universelle, l’Intelligence est toutes choses : il n’y a rien en elle qui ne concoure à l’universalité ; il n’y a rien non plus qui ne soit différent, afin de pouvoir, par sa différence même, concourir encore à la totalité. S’il n’y avait pas de différence, si tout était identique en elle, l’Intelligence perdrait de son essence, parce que sa nature ne formerait plus un tout plein d’harmonie.

XIV. Nous pouvons par des exemples intellectuels comprendre quelle est la nature de l’Intelligence et voir qu’elle ne saurait être une unité qui n’admette aucune espèce de