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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/517

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SIXIÈME ENNÉADE.

parce que sa possession fait leur joie[1] ? S’ils reçoivent de lui quelque chose, en quoi cela consiste-t-il ? Si la possession du Bien fait leur joie, pourquoi la possession du Bien fait-elle leur joie plutôt que ne le ferait la possession de toute autre chose[2] ? Le Bien est-il tel par ce qui lui est propre ou par quelque autre chose ? Le Bien est-il un attribut d’un autre être, ou le Bien est-il bon pour lui-même ? Ne faut-il pas plutôt que ce qui est bon soit bon pour autrui sans l’être pour lui-même[3] ? Pour qui d’ailleurs le Bien est-il bon ? Car il y a une certaine nature pour laquelle rien n’est bon [telle est la matière].

Ne passons pas non plus sous silence une objection que pourrait nous adresser un adversaire difficile à convaincre : « Eh ! mes amis, quelle est donc cette chose que vous célébrez ainsi en termes pompeux[4], en répétant sans cesse que la vie et l’intelligence sont des biens, quoique vous disiez que le Bien est au-dessus d’elles ? Pourquoi donc appelez-vous bien l’intelligence ? Pourquoi celui qui pense les formes intelligibles posséderait-il le bien en contemplant chacune d’elles ? Quand il les qualifie de biens, n’est-il pas trompé par le plaisir que lui cause leur contemplation ? N’est-ce pas aussi parce que la vie lui est agréable qu’il lui donne le nom de bien ? S’il ne trouvait aucun plaisir dans la contemplation des intelligibles, pourquoi les appellerait-il des biens ? En outre, ferait-il consister le bien à exister simplement ? Mais quelle jouissance pourrait-il recueillir de la simple existence ? Quelle différence y aurait-il pour lui entre exister et

  1. Voy. ci-après § 27, p. 460.
  2. Voy. ci-après § 29, p. 463.
  3. Voy. ci-après § 32, p. 469.
  4. Il y a dans le texte : τί δή ἀποσεμνύνετε τοῖς ὀνόμασιν, ἄνω ϰαὶ ϰάτω ζωήν ἀγαθόν λέγοντες (ti dê aposemnunete tois onomasin, anô kai katô zôên agathon legontes). Ficin traduit : « Quidnam, ο viri, dicet, sursum deorsumque spectando rem vcstram exornatis ? Vitam bonum dicitis, etc. » Creuzer rend cette phrase avec plus d’exactitude : « Vos, ο viri, quid igitur magnifice celebratis verbis ultroque citroque vitam bonum dictitantes ? » Nous avons suivi l’interprétation de Creuzer.