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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/52

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SIXIÈME ENNÉADE, LIVRE VII.


toutes les formes dans leur plénitude possède donc aussi leur raison d’être ; or dès que ces formes portent en elles-mêmes la cause de leur existence, elles existent nécessairement, et elles engendrent les choses sensibles dont elles sont les principes.

(III) Il en résulte que la création n’implique ni délibération ni raisonnement. Chaque idée, réunissant la raison d’être à l'essence, est une cause et par conséquent produit nécessairement ce qu’il est dans sa nature de produire, et donne à la matière une forme aussi complète que possible parce qu’elle est en elle-même un tout complet. Ainsi les choses sensibles sont engendrées, mais n’ont pas de commencement et n’ont pas besoin d’être embellies. Si l’existence des sens, par exemple, est impliquée dans l’idée de l’homme, elle est réalisée éternellement par la nécessité et la perfection de l’Intelligence.

(IV) Pour bien comprendre cet exemple, il faut définir l’homme. Dire que c’est une âme raisonnable unie à un corps, ce n’est pas assigner sa raison d’être, laquelle doit être une essence, une chose éternelle et immatérielle.

(V-VII) L’homme réunit en lui trois degrés de l’existence : il est forme intelligible ou idée, âme, raison séminale. Il possède aussi trois facultés qui correspondent à ces trois formes de l’existence, savoir l’intelligence, la raison discursive, la sensibilité. Selon qu’il exerce la première, la seconde ou la troisième, il vit de la vie divine, humaine ou animale ; il est l’homme intellectuel, l’homme raisonnable ou l’homme sensitif. Ces trois formes de l’existence procèdent l’une de l’autre et sont impliquées l’une dans l’autre. Le troisième homme peut donc se définir : l’âme disposée de telle façon, présente à la matière disposée de telle façon. Cette âme façonne dans le corps une forme à sa ressemblance. Le second homme est défini par Platon : l’âme qui se sert du corps. Enfin le premier homme est l’essence d’une âme disposée de telle façon, et, à ce titre, il contient à l’état intellectuel la raison et la sensibilité qui ne se développent que dans le second homme et le troisième. Voilà pourquoi on peut dire que les pensées là-haut sont des sensations claires, et qu’ici-bas les sensations sont des pensées obscures. Par là encore on comprend que si une âme vient s’unir à un corps dont l’Âme universelle a déjà ébauché les contours dans le sein de la mère, ce n’est point par hasard, mais en vertu de sa disposition, qui la porte à façonner un tel corps.

(VIII) Pour comprendre comment il se fait que l’Intelligence divine renferme non-seulement les idées des êtres doués de raison, mais encore celles des êtres qui en sont privés, il faut réfléchir que c’est la conséquence de sa nature. L’Être intelligible étant inférieur à l’Un doit être à la fois un et multiple, par conséquent, être Intelligence universelle, Animal universel. Il doit donc aussi renfermer les idées de tous les animaux soit raisonnables, soit privés de raison.

(IX-X) Dans le monde intelligible, en effet, les essences des choses sont infiniment plus parfaites que ces choses elles-mêmes ne le sont sur la terre. D’ailleurs, il n’est pas d’être qui soit complètement privé de raison et de vie, quoique nous ne puissions pas toujours apercevoir en lui des traces de ces deux caractères.

La cause pour laquelle tous les êtres ne sont pas également parfaits, c’est