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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/544

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LIVRE SEPTIÈME.

pensée du Bien implique cette pensée : Je suis le Bien. Si cette pensée est elle-même le Bien, elle ne sera pas la pensée de Lui, mais celle du Bien, et Lui, il sera non plus le Bien, mais la pensée[1]. Si la pensée du Bien est différente du Bien même, le Bien sera antérieur à la pensée du Bien. Si le Bien se suffit à lui-même avant la pensée, il se suffit ainsi à lui-même pour être le Bien ; il n’a donc sous ce rapport nul besoin de la pensée qu’il est le Bien.

XXXIX. Il résulte de là que le Bien ne se pense lui-même ni en tant que bien, ni sous aucun autre rapport : car il ne possède rien de différent de lui-même. Il a seulement une intuition simple de lui-même par rapport à lui-même (ἁπλῆ τις ἐπιϐολὴ αὑτῷ πρὸς αὑτόν (haplê tis epibolê hautô pros hauton)) ; mais comme il n’y a aucune distance, aucune différence dans cette intuition qu’il a de lui-même, que peut-être cette intuition sinon Lui ?

Voilà pourquoi il n’y a proprement différence que là où il y a Essence et Intelligence. Pour penser, l’Intelligence doit admettre à la fois identité et différence[2]. En effet, elle ne peut ni se distinguer de l’intelligible en le considérant comme différent d’elle, ni contempler toutes choses, s’il n’y a pas en elle une différence en vertu de laquelle elle est toutes les essences ; sans cela, elle ne serait pas même dyade. Ensuite, puisque l’Intelligence pense, elle ne doit pas se penser elle seule, si elle pense réellement. Pourquoi en effet ne penserait-elle pas toutes choses ? Serait-ce par impuissance ? En un mot, le principe qui se pense cesse d’être simple, parce qu’en se pensant il doit se penser comme quelque chose de différent ; c’est la condition nécessaire pour se penser soi-même[3]. Nous avons dit que l’Intelligence ne peut se penser sans se contempler comme quelque chose de différent.

  1. Voy. le passage d’Aristote cité ci-dessus, p. 480, note 3.
  2. Sur la Différence et l’Identité considérées comme genres de l’Être intelligible, Voy. ci-dessus, liv. II, § 8, p. 217-219.
  3. Voy. ci-dessus Enn. V, liv. III, § 10, p. 50.