Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/553

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
492
SIXIÈME ENNÉADE.


la hardiesse de chercher à déterminer, et pour les êtres du premier ordre [pour les dieux] et pour le Principe supérieur à tout [pour l’Un], en quoi consiste la liberté, quoique nous leur accordions la toute-puissance (πάντα δύνασθαι (panta dunasthai)). Nous avons d’ailleurs besoin d’expliquer en quel sens on leur attribue la toute-puissance pour éviter de séparer en eux l’acte d’avec la puissance et de regarder l’acte comme quelque chose de futur.

Avant d’aborder ces questions, commençons par examiner, comme on a l’habitude de le faire, si nous possédons nous-mêmes le libre arbitre[1]. Et d’abord, en quel sens dit-on que nous possédons le libre arbitre (ou que quelque chose dépend de nous, τὸ ἐφ’ ἡμῖν εἶναί τι (to eph’ hêmin einai ti)), c’est-à-dire, quelle idée faut-il s’en former ? Répondre à cette question est le seul moyen d’arriver à connaître s’il faut attribuer ou non le libre arbitre aux dieux, et surtout à Dieu. D’ailleurs, tout en leur attribuant le libre arbitre, il est nécessaire de voir à quoi il s’applique soit dans les autres êtres, soit dans les êtres du premier ordre.

Que pensons-nous donc quand nous cherchons si quelque chose dépend de nous ? Dans quelles circonstances l’examinons-nous ? C’est, je crois, quand, subissant l’influence de la fortune, de la nécessité, de passions violentes qui dominent l’âme, nous nous regardons comme maîtrisés, asservis, entraînée par elles ; alors nous nous demandons si nous sommes quelque chose, si quelque chose dépend réellement de nous. Ainsi, nous regardons seulement comme dépendant de nous ce que nous faisons sans être contraints par la fortune, ni par la nécessité, ni par la violence des passions, volontairement, sans rencontrer

  1. Plotin fait allusion au début d’Aristote dans le livre III de la Morale à Nicomaque : « C’est une étude nécessaire, quand on cherche à se rendre compte de la vertu, que de déterminer ce qu’on doit entendre par volontaire et involontaire. » (Trad. de M. Barthélemy Saint-Hilaire, t. III, p. 2.)