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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/564

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LIVRE HUITIÈME.

rait-elle posséder l’indépendance dans toute sa pureté ? Ne devons-nous donc pas dire que les actions sont soumises à la nécessité, tandis que la volonté et la raison qui les précèdent sont indépendantes ? S’il en est ainsi, puisque nous plaçons le libre arbitre dans ce qui précède l’exécution, nous placerons aussi la liberté et l’indépendance de la vertu en dehors de l’action.

Que dirons-nous maintenant de la vertu considérée en tant qu’habitude et disposition ? Ne s’occupe-t-elle pas de régler et de modérer les passions et les désirs quand l’âme n’est pas saine ? En quel sens disons-nous alors qu’il dépend de nous d’être bons, et que la vertu n’a pas de maître[1] ? - En ce sens que c’est nous qui voulons et qui choisissons ; en ce sens encore que la vertu par son assistance nous donne la liberté et l’indépendance, nous affranchit de la servitude. Si donc la vertu est une autre espèce d’intelligence, une habitude qui intellectualise l’âme (ἔξις οἶον νοωθῆναι τὴν ψυχὴν ποιοῦσα (exis oion noôthênai tên psuchên poiousa)), sous ce rapport encore notre liberté ne doit pas être cherchée dans l’activité pratique, mais dans l’intelligence qui est affranchie de l’action.

    l’homme politique, elle est aussi peu tranquille que celle de l’homme de guerre… Ainsi donc, parmi les actes conformes à la vertu, ceux de la politique et de la guerre peuvent bien l’emporter sur les autres en éclat et en importance ; mais ces actes sont pleins d’agitation, et ils visent toujours à un but étranger ; ils ne sont pas recherchés pour eux-mêmes. Tout au contraire, l’acte de la pensée et de l’entendement, contemplatif comme il l’est, suppose une application beaucoup plus sérieuse ; il n’a pas d’autre but que lui seul, et il porte avec lui son plaisir qui lui est exclusivement propre et qui augmente encore l’intensité de l’action. (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, ch. 7 ; trad. fr., t. II, p. 455.)

  1. La vertu n’a point de maître : elle s’attache à qui l’honore, et abandonne qui la néglige. On est responsable de son choix. Dieu est innocent. (Platon, République, liv. X ; trad. de M. Cousin, t. X, p. 287.)