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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/576

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LIVRE HUITIÈME.

Ce qui nous conduit à poser ces questions sur la nature de Dieu, c’est que nous nous représentons d’abord l’espace et le lieu comme un chaos, et que nous introduisons ensuite le Premier principe dans cet espace et dans ce lieu que nous représente notre imagination ou qui existe réellement. Or, en l’y introduisant, nous nous demandons d’où il y est venu et comment il y est venu. Le traitant alors comme un étranger, nous cherchons pourquoi il y est présent et quel il est ; nous nous imaginons qu’il est sorti d’un abîme ou qu’il est tombé d’en haut. Pour écarter ces questions, il faut donc retrancher de la conception que nous avons de Dieu toute notion de lieu, ne le placer en rien, ne le concevoir ni comme se reposant éternellement et comme édifié en lui-même, ni comme venu de quelque part, mais nous contenter de penser qu’il existe dans le sens où le raisonnement nous force à admettre qu’il existe, et bien nous persuader que le lieu est, comme le reste, postérieur à Dieu, qu’il est postérieur même à toutes choses. Ainsi concevant Dieu en dehors de tout lieu, autant que nous pouvons le concevoir, nous ne le circonscrivons pas en quelque sorte dans un cercle, nous n’entreprenons pas de mesurer sa grandeur, nous ne lui attribuons ni quantité, ni qualité : car il n’a pas de forme, même intelligible, il n’est relatif à rien, puisqu’il subsiste en lui-même et qu’il a existé avant toutes choses.

Si Dieu est tel, comment dire encore qu’il est ce qu’il est par hasard ? Comment affirmer de lui une pareille chose, quand nous ne saurions parler de lui que par négations[1] ? Nous dirons donc, non qu’il est par hasard ce qu’il est, mais que, étant ce qu’il est, il ne l’est point par hasard, puisqu’il n’y a en lui absolument rien de contingent.

    εἶναι προσάπτειν μαθόντας (einai prosaptein mathontas), au lieu de ἀδύνατον αὐτοῖς λαϐόντας ἐν τῷ μηδέν αὐτῷ ϰ. τ. λ. (adunaton autois labontas en tô mêden autô k. t. l.) Le sens est au fond le même dans les deux cas.

  1. Voy. Enn. III, liv. IX, fin ; t. II, p. 219-250.