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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/59

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SOMMAIRES.


lui-même, il est par lui-même, il est Lui d’une manière suprême et transcendante.

(XV) Il est à la fois ce qui est aimable et l’amour ; il est l’amour de lui-même, parce qu’il est beau par lui-même. Ici encore apparaît l’identité du désir et l’essence ; par conséquent, c’est encore lui qui est l’auteur de toi-même et le maître de lui-même, parce qu’il l’isole et se pose comme pur de toutes choses. Nous en aurons une idée si nous nous élevons au-dessus de tout ce qui est contingent.

(XVI) Le Premier est encore exempt de contingence parce qu’il est partout et nulle part ; il est l’ubiquité même, et il en fait part aux choses inférieures. Il se porte en quelque sorte vers les profondeurs les plus intimes de lui-même, s’aimant lui-même, étant lui-même ce qu’il aime, se donnant l’existence à lui-même, parce qu’il est un acte immanent, et que ce qu’il y a de plus aimable en lui constitue une sorte d’intelligence. Il est l’auteur de lui-même, parce que son inclination vers lui-même et son immanence en lui-même le font être ce qu’il est. S’il consiste dans une action vigilante, identique à ce qui est vigilant, si de plus cette action vigilante est une supra-intellection éternelle, Dieu est ce qu’il se fait par son action vigilante.

(XVII) Le monde est ce qu’il serait s’il y avait eu dans son auteur une prévision basée sur le raisonnement. En effet, si le monde est ce qu’il est, c’est qu’il y a des raisons qui subsistent intellectuellement de toute éternité dans une parfaite coordination et au-dessus de toute prévision et de tout choix. Si l’on appelle Providence ce plan de l’univers, on ne saurait l’attribuer au hasard, mais seulement à l’Intelligence qui elle-même est telle que le veut Dieu, c’est-à-dire la Raison une qui embrasse tout.

(XVIII) Dieu est le dehors, parce qu’il comprend toutes choses et qu’il en est la mesure ; il est aussi le dedans, parce qu’il est la profondeur la plus intime de toutes choses. Il est le centre d’où rayonnent l’Être et l’Intelligence, image de sa clarté. Comme l’Intelligence ne renferme rien qui ne soit raison et cause, l’Un est la cause de la cause, la cause par excellence, contenant à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui. Il est donc, comme le nomme Platon, le convenable et l’opportun.

(XIX-XX) En s’élevant à Dieu à l’aide de ces considérations, on conçoit qu’il est au-dessus de l’essence. Il tient son existence de lui-même, parce que son acte est son existence même, qu’il se produit lui-même par une génération éternelle[1].

(XXI) Il ne pouvait se faire autre qu’il ne s’est fait, parce que le caractère de la Puissance suprême ne consiste pas à pouvoir les contraires, mais à se

  1. Aux passages de Sénèque et de Lactance où cette idée se trouve exprimée et que nous citons ci-après p. 605, on peut encore joindre le rapprochement suivant : « Suivant les textes précis du rituel funéraire des Égyptiens, Dieu est l’être dont la substance existe par elle-même éternellement, celui qui se donne l’être à lui-même, qui s’engendre lui-même éternellement. Cette idée de la génération éternelle dans le sein de Dieu même était le fond de la théologie égyptienne ; elle s’y représente sous une foule de symboles. » (M. de Rougé, Discours d’ouverture du cours d’archéologie au Collége de France, 1860.)