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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/595

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SIXIÈME ENNÉADE.

D’où lui est donc alors venue sa volonté ? Serait-ce de son essence, qui [d’après l’objection qu’on nous fait[1]] n’agissait pas encore ? Mais sa volonté était déjà dans son essence. Il n’y a donc en Dieu rien qui diffère de l’essence ; sinon, il y aurait eu en lui quelque chose qui n’eût pas été sa volonté. Ainsi, tout en lui était volonté ; il n’y avait en lui rien qui ne voulût, rien qui fût par conséquent antérieur à sa volonté. Donc, dès le principe, la volonté était Dieu même ; par suite, Dieu est comme il a voulu être et tel qu’il l’a voulu. Quand on parle de ce qui a été la conséquence de la volonté de Dieu, de ce que sa volonté a engendré, [il faut bien concevoir que] sa volonté n’a rien engendré qu’il ne fût déjà. Quand on dit que Dieu se contient lui-même, il faut entendre cette assertion en ce sens que tous les autres êtres qui procèdent de Dieu sont soutenus par lui. Car ils existent par une espèce de participation de Dieu, et ils se ramènent tous à lui. Quant à Dieu, il n’a pas besoin d’être contenu ni de participer : il est toutes choses pour lui-même ; ou plutôt, il n’est rien pour lui-même, parce qu’il n’a pas besoin de toutes les autres choses par rapport à lui-même.

Ainsi, quand vous voulez parler de Dieu ou le concevoir, écartez tout le reste. Quand vous aurez fait abstraction de tout le reste, et que vous aurez de cette manière isolé Dieu, ne cherchez pas à lui ajouter quoi que ce soit[2] ; examinez plutôt si, dans votre pensée, vous n’avez pas omis d’écarter de lui quelque chose. Vous pouvez ainsi vous élever à un principe dont vous ne sauriez ensuite ni affirmer ni concevoir rien d’autre[3]. Ne placez donc au rang

  1. Voy. cette objection ci-dessus au commencement du § 20, p. 531.
  2. Cette pensée de Plotin a été reproduite par Proclus, Théologie élémentaire, VIII.
  3. Le P. Thomassin cite ce passage en le faisant précéder des réflexions suivantes : « Non abs re erit animadvertere philosophos istos religiosos adeo fuisse in quacumque mutationis vel motionis nubecula a Deo propulsanda, ut nec vitam,