Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/168

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doigt, sans cesse maîtrisé par une passion puissante, véritable possédé des Muses. Auteur de belles et nombreuses inventions, on dit qu’il pria ses amis et ses parents de placer sur son tombeau, après sa mort, un cylindre renfermant une sphère, et, pour inscription, le rapport du solide contenant au solide contenu[1]. Tel était Archimède ; et c’est par là qu’il a conservé invincibles, autant qu’il dépendait de lui, et lui-même et sa ville.

Pendant que durait le siège, Marcellus s’empara de Mégare[2], une des plus anciennes villes de la Sicile ; puis il enleva le camp d’Hippocrate près d’Aciles[3], et lui tua plus de huit mille hommes en tombant sur eux tandis qu’ils élevaient leurs retranchements. Il courut presque toute la Sicile, détacha plusieurs villes du parti des Carthaginois, et vainquit tous ceux qui osèrent lutter contre lui en bataille rangée. Quelque temps après, il fit prisonnier un Spartiate nommé Damippus, qui sortait du port de Syracuse : les Syracusains le prièrent de leur rendre cet homme pour une rançon ; il y eut à ce sujet des négociations et des entrevues, pendant lesquelles il remarqua une tour mal gardée, où il lui serait facile de jeter secrètement quelques soldats par le mur voisin, qu’il était aisé d’escalader. À force de revenir au même endroit pour traiter la négociation, il estima au juste la hauteur du mur, fit préparer des échelles, et, profitant d’une fête que les Syracusains célébraient en l’honneur de Diane en se livrant à la bonne chère et aux divertissements, il

  1. C’est à cette marque que Cicéron, cent trente-sept ans plus tard, reconnut le tombeau d’Archimède, perdu sous des épines et des ronces, et tout rongé par le temps. Les Syracusains d’alors ignoraient même l’existence de ce monument, et niaient qu’Archimède eût été enseveli chez eux.
  2. Anciennement Hybla, sur la côte orientale de la Sicile, à quelques lieues au nord de Syracuse.
  3. Autrement Acrilles, dans l’intérieur des terres.