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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/230

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qu’il avait dû son bannissement. Cependant, lorsque Thémistocle, accusé de trahison contre sa patrie, lui offrait une si belle occasion de se venger, il ne fit paraître aucun ressentiment ; et, pendant qu’Alcméon, Cimon et plusieurs autres faisaient tous leurs efforts pour le faire condamner, Aristide seul ne fit ni ne dit rien qui pût lui nuire : de même qu’il n’avait jamais envié sa fortune, il ne se réjouit pas de son malheur.

Aristide mourut, suivant quelques-uns, dans le Pont, où il avait été envoyé pour les affaires de la république ; d’autres le font mourir de vieillesse à Athènes, honoré et admiré de ses concitoyens. Cratérus le Macédonien[1] raconte comme il suit la mort d’Aristide : « Après la fuite de Thémistocle, dit-il, l’insolence du peuple enhardit une foule de calomniateurs, qui s’attachaient aux meilleurs et aux plus considérables d’entre les citoyens, et les livraient à l’envie de la multitude, fière de sa prospérité et de sa puissance. Aristide lui-même fut condamné pour crime de concussion, à la poursuite de Diophante, du dème Amphitrope, qui l’accusait d’avoir, dans la répartition de la taxe, reçu de l’argent des Ioniens. Comme il n’avait pas de quoi payer l’amende, qui était de cinquante mines[2], il s’embarqua pour l’Ionie, et y mourut. » Mais Cratérus ne donne aucune preuve écrite à l’appui de ses assertions, aucun jugement, aucun décret, lui qui d’ailleurs a coutume de recueillir ces sortes de témoignages et de citer ses auteurs. Il est parlé, chez tous les historiens à peu près qui ont raconté les injustices des Athéniens envers leurs généraux, de l’exil de Thémistocle, de la prison de Miltiade, de l’amende prononcée contre Périclès, de la mort de Pachès, qui, voyant qu’il ne pouvait éviter sa

  1. Historien presque contemporain d’Aristide.
  2. Environ quatre mille cinq cents francs de notre monnaie.