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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/238

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qu’il aurait dépensées. Caton, sur cette réponse, le quitta dès la Sicile, et revint à Rome. Là, il ne cessa de crier dans le Sénat, avec Fabius, que Scipion répandait l’argent sans mesure ; qu’il passait, en vrai jeune homme, ses journées aux théâtres et dans les gymnases, comme s’il se fût agi, non de faire la guerre, mais de célébrer des jeux. Ses plaintes déterminèrent le Sénat à envoyer vers Scipion des tribuns chargés de le ramener à Rome, s’ils trouvaient les accusations fondées. Scipion démontra que la victoire dépendait des préparatifs qu’on faisait pour la guerre ; on vit assez d’ailleurs que les amusements qu’il prenait avec ses amis, dans ses moments de loisir, et les dépenses qu’il faisait, ne l’empêchaient pas de suivre avec activité les affaires importantes. Les tribuns le laissèrent s’embarquer pour la guerre.

L’éloquence de Caton augmentait chaque jour son crédit : on l’appelait le Démosthène romain ; mais ce qu’on renommait surtout en lui, l’objet de toutes les louanges, c’était son genre de vie. En effet, le talent de la parole était, de ce temps-là, le but où aspiraient les jeunes Romains, où ils dirigeaient à l’envi tous leurs efforts. Mais un homme fidèle à l’ancien usage de cultiver la terre de ses propres mains ; qui se contentât d’un dîner préparé sans feu, et d’un souper frugal ; qui ne portât qu’un vêtement fort simple ; qui eût assez d’une habitation toute vulgaire, et aimât mieux n’avoir pas besoin du superflu que de se le donner, c’était chose rare alors : la vaste étendue de la république avait déjà corrompu l’antique pureté des mœurs ; la multitude immense des affaires et le grand nombre des peuples vaincus, avaient introduit à Rome une grande variété de mœurs, toutes les façons de vivre les plus opposées. Caton était donc avec justice l’objet de l’admiration universelle ; car, tandis qu’on voyait les autres citoyens, amollis par les voluptés,