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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/277

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le désir, et qu’il se prive de jouir par avarice, c’est misère.

Du reste, j’adresserais volontiers à Caton une demande. Si la richesse est faite pour qu’on en jouisse, pourquoi se vante-t-il, ayant amassé une grande fortune, de savoir se contenter de peu ? Mais s’il est beau, comme je n’en doute pas, de manger du pain le plus commun, de boire le même vin que ses ouvriers et ses domestiques, de n’avoir besoin ni d’étoffes de pourpre ni de maisons crépies à la chaux, alors ni Aristide, ni Épaminondas, ni Manius Curius, ni Caïus Fabricius n’ont en rien manqué à leur devoir, quand ils ont négligé d’acquérir des biens dont ils n’estimaient pas l’usage. Car, un homme qui trouvait les raves le meilleur des mets, et qui les faisait cuire lui-même, tandis que sa femme pétrissait son pain, un tel homme n’avait que faire de se tant tourmenter pour un as, ni d’écrire dans un livre par quelle industrie on peut s’enrichir le plus vite. C’est un grand bien que la simplicité qui se borne au nécessaire, parce qu’elle ôte à la fois et le désir et le souci du superflu. De là le mot qu’on attribue à Aristide dans l’affaire de Callias : « On ne doit, dit-il, rougir de la pauvreté que lorsqu’elle est forcée ; mais ceux qui sont, comme moi, pauvres volontairement, doivent s’en glorifier. » Aussi bien serait-il ridicule d’attribuer à la paresse la pauvreté d’Aristide, quand il lui était si facile de s’enrichir, sans rien faire de honteux, en dépouillant seulement un Barbare, ou en prenant une tente des vaincus. Mais en voilà assez sur ce point.

Quant aux expéditions qu’ils ont commandées, celles de Caton ajoutèrent bien peu à la grandeur d’une puissance déjà prodigieuse ; tandis que celles d’Aristide offrent les victoires les plus belles, les plus éclatantes et les plus décisives qu’aient remportées les Grecs : Marathon, Salamine et Platée. Il ne serait pas juste non plus,