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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/512

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plus criminelles et les plus infâmes. Il vendait publiquement le droit de cité aux affranchis et aux étrangers, et en comptait le prix sur une table qu’il avait dressée à cet effet dans le Forum. Il entretenait, auprès de sa personne, trois mille satellites toujours armés, et une troupe de jeunes cavaliers toujours prêts à exécuter ses ordres, et qu’il appelait l’anti-Sénat. Il avait fait porter par le peuple une loi qui défendait à tout sénateur d’emprunter au delà de deux mille drachmes[1] ; et à sa mort il en devait trois millions[2] (10). Ce scélérat, lâché par Marius sur le peuple, porta dans toutes les affaires la confusion et le désordre ; il employa le fer et la violence pour faire passer plusieurs lois pernicieuses, et en particulier celle qui donnait à Marius le commandement de la guerre contre Mithridate. Les consuls, pour réprimer ses violences, suspendirent par un décret l’exercice des tribunaux. Mais un jour qu’ils tenaient une assemblée publique devant le temple des Dioscures, Sulpicius lança contre eux la troupe de ses satellites, tua plusieurs personnes sur la place, entre autres le fils du consul Pompéius. Pompéius lui-même ne se déroba à la mort que par la fuite. Sylla, poursuivi jusque dans la maison de Marius, où il s’était réfugié, fut obligé d’en sortir pour aller lever la suspension de justice. Aussi Sulpicius, qui avait enlevé le consulat à Pompéius, en laissa jouir Sylla, et se contenta de transférer à Marius le commandement de la guerre contre Mithridate. Il dépêche sur-le-champ à Nola[3] des tribuns militaires, pour y prendre l’armée et l’amener à Marius ; mais Sylla l’avait prévenu, et s’était sauvé dans son camp : ses soldats, instruits de ce qui s’était passé, lapidèrent les tribuns ; Marius, de son côté, fit mourir à Rome les

  1. Environ dix-huit cents francs de notre monnaie.
  2. Environ deux millions sept cent mille francs.
  3. Ville de la Campanie, à huit lieues de Capoue.