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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/522

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pyle[1] ; plusieurs assurent même qu’il regorgea par les portes, et ruissela dans le faubourg.

Outre cette multitude qui périt par le fer, il y en eut autant pour le moins qui se donnèrent eux-mêmes la mort de douleur et de regret, persuadés que leur patrie allait être détruite : conviction qui jeta dans le désespoir les plus honnêtes gens, et leur fit préférer la mort à la crainte de tomber entre les mains de Sylla, de qui ils n’attendaient aucun sentiment de modération et d’humanité. Sylla toutefois, se laissa fléchir aux prières de Midias et de Calliphon, deux bannis d’Athènes, qui se jetèrent à ses pieds, et aux intercessions des sénateurs romains qui servaient dans son armée, et aussi parce qu’il se trouvait rassasié de vengeance ; il fit l’éloge des anciens Athéniens, disant qu’il pardonnait au plus grand nombre en faveur du plus petit, et qu’il accordait aux morts la grâce des vivants. Il prit Athènes, écrit-il lui-même dans ses Mémoires, le jour des calendes de mars[2], qui tombe précisément à la nouvelle lune du mois Antesthérion, et qui était, par une rencontre singulière, le jour où l’on faisait à Athènes plusieurs cérémonies sacrées en mémoire du déluge[3] qui dévasta jadis la terre à cette même époque.

La ville une fois prise, le tyran se réfugia dans l’Acropole, où Sylla le fit assiéger par Curion. Il s’y défendit longtemps ; mais enfin, manquant d’eau, il se rendit, vaincu par la soif. La main divine parut en cette occasion d’une manière sensible ; car, au jour et à l’heure même que Curion faisait descendre le tyran à la ville, le ciel,

  1. Le Dipyle ou la double porte, suivant la signification du mot, était l’entrée d’Athènes au N.-O., du côté de Colone.
  2. Le 1er mars de l’an 87 avant J.-C.
  3. Il s’agit du déluge d’Ogygès, qui avait inondé l’Attique dix-sept cents ans auparavant.