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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/535

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eux, pour échapper à la tyrannie, se retirèrent dans le camp de Sylla, comme dans un port assuré, et qu’en peu de temps il eut autour de lui une espèce de Sénat. Métella, qui ne s’était dérobée qu’à grand’peine à leur fureur, elle et ses enfants, vint annoncer à Sylla que sa maison et ses terres avaient été incendiées par ses ennemis, et le conjura de secourir ceux qui étaient restés à Rome. Ces nouvelles jetèrent Sylla dans une grande perplexité. Il ne pouvait se résoudre ni à laisser sa patrie en proie à tant de maux, ni à partir en laissant inachevée une aussi grande œuvre que la guerre contre Mithridate. Comme il flottait dans cette irrésolution, un marchand de Délium[1] (37), nommé Archélaüs, vint secrètement de la part d’Archélaüs, général du roi, lui porter quelque espérance de paix. Cette ouverture lui fit tant de plaisir qu’il se hâta d’aller en personne s’aboucher avec le général.

L’entrevue eut lieu sur le bord de la mer, près de Délium, à l’endroit où est le temple d’Apollon. Archélaüs parla le premier, et demanda que Sylla abandonnât l’Asie et le Pont, et s’en allât à Rome terminer la guerre civile, lui offrant à cet effet, de la part du roi, autant d’argent, de vaisseaux et de troupes qu’il en aurait besoin. Sylla prit la parole à son tour, et conseilla à Archélaüs de laisser là Mithridate, de se faire roi à sa place, en devenant l’allié des Romains, et de lui livrer toute sa flotte. Archélaüs rejeta avec horreur cette trahison : « Hé quoi ! « Archélaüs, dit alors Sylla, toi qui es Cappadocien, toi l’esclave, ou, si tu l’aimes mieux, l’ami d’un roi barbare, tu ne peux supporter une proposition honteuse, au prix de tant de biens que je t’offre ! Et à moi, général des Romains, à moi Sylla, tu oses me proposer

  1. Ville de Béotie, près de Tanagre, où Apollon Délien avait un temple.