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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/11

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CIMON.

Quelques-uns disent que la liaison d’Elpinice avec Cimon ne fut point une débauche secrète, mais qu’elle l’avait épousé publiquement[1], parce que sa pauvreté l’empêchait de faire un mariage digne de sa naissance. Dans la suite, Callias, un des hommes les plus riches d’Athènes, en devint amoureux, et offrit de payer l’amende à laquelle le père avait été condamné : Elpinice consentit à l’épouser, et Cimon la lui céda.

Il paraît pourtant certain que Cimon fut très-porté à l’amour des femmes : le poëte Mélanthius, en le plaisantant à ce sujet dans ses élégies, fait mention d’une Astéria de Salamine et d’une certaine Mnestra, que Cimon avait aimées. Il n’est pas moins constant qu’il eut pour sa femme légitime Isodicé, fille d’Euryptolème, fils de Mégaclès, une passion beaucoup trop vive[2], et qu’il fut inconsolable de sa mort, à en juger du moins par les élégies qui lui furent adressées pour calmer sa douleur, et dont le philosophe Panétius attribue la composition à Archélaüs le physicien[3] : conjecture assez vraisemblable, qu’il fonde sur le rapport des temps.

Cimon, dans tout le reste de sa conduite, n’eut rien que de grand et d’admirable. Égal à Miltiade en courage, et à Thémistocle en prudence, il les surpassa l’un et l’autre en justice, de l’aveu de tout le monde. Sans leur être inférieur par les qualités guerrières, il eut sur eux, dès sa jeunesse et lorsqu’il n’avait encore aucune expérience dans les armes, une incontestable supériorité par ses vertus civiles. Lorsqu’à l’approche des Mèdes Thé-

  1. Cornélius Népos dit formellement qu’il l’avait épousée, la loi d’Athènes permettant le mariage entre frères et sœurs de père.
  2. On pourrait expliquer cette singulière remarque par ce vers d’un ancien comique :

    Adulter est, uxoris amator acrior.

  3. Celui dont il a été question plus haut.