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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/113

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NICIAS.

que je ne pourrais taire sans encourir le reproche de négligence et de paresse. J’essaierai d’ailleurs de recueillir les faits moins généralement connus, ce qu’on ne trouve que çà et là dans d’autres auteurs ou dans des inscriptions et des décrets anciens ; car mon but n’est point de composer une histoire inutile et sans fruit, mais de présenter ce qui peut faire connaître les mœurs et le caractère de Nicias.

On peut dire d’abord de Nicias ce qu’en a écrit Aristote : qu’il y avait à Athènes trois hommes, les meilleurs citoyens, qui avaient pour le peuple une bienveillance, une affection paternelle, Nicias fils de Nicératus, Thucydide fils de Milésias[1], et Théramène fils d’Agnon. Ce dernier toutefois avait ces qualités moins que les deux autres : on lui faisait un crime de sa naissance, comme étranger, natif de Céos ; et son manque de fixité dans la politique, qui se faisait flotter sans cesse entre les partis, l’avait fait surnommer Cothurne[2]. Thucydide était le plus âgé des trois ; et plusieurs fois il se mit à la tête du parti des nobles et des gens de bien, et combattit Périclès, qui disposait du peuple. Nicias était plus jeune ; cependant il jouissait de quelque considération dès le temps de Périclès : il fut son collègue dans le commandement des armées, il commanda même seul plus d’une fois. Après la mort de Périclès, il se trouva aussitôt porté au premier rang, surtout par les personnages les plus riches et les plus distingués, qui voulaient se faire de lui un rempart contre le cynisme et l’audace de Cléon. Malgré cela, il était dans les bonnes grâces du peuple, qui ap-

  1. C’est celui dont il est si souvent fait mention dans la Vie de Périclès, et qu’il ne faut pas confondre avec Thucydide fils d’Olorus, l’historien, qui fut aussi homme d’État.
  2. La raison de ce surnom bizarre, c’est, dit-on, que le cothurne était à la fois une chaussure pour les hommes et pour les femmes, et qu’on pouvait mettre indifféremment de l’un ou de l’autre pied.