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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/124

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NICIAS.

Si vous m’exemptez du commandement. — Nous acceptons :
Cela fait deux mille, en comptant celles de Nicias.

Ce fut certainement un grand mal pour la république, que Nicias eût laissé Cléon arriver à un si haut degré de renommée et de crédit. Sa présomption et sa confiance insolente n’eurent plus de frein ; et il attira sur l’État des malheurs dont Nicias ressentit l’effet autant et plus que nul autre. Par Cléon la tribune perdit sa dignité : c’est lui qu’on vit le premier, en haranguant le peuple, pousser de grands cris, rejeter son vêtement en arrière, se frapper la cuisse, parler en courant sur la tribune, et donner aux hommes d’État l’exemple de ce laisser aller, de ce dédain de toutes les convenances qui ne tarda point à plonger tout dans la confusion.

Mais déjà Alcibiade commençait à se mêler des affaires, et à se faire écouter des Athéniens. Tout en lui n’était pas corruption, comme chez les autres démagogues : il avait quelque chose de la nature du sol de l’Égypte, qui de lui-même produit tout à la fois, dit-on,

Quantité de plantes salutaires mêlées à quantité de funestes[1].


Tel était le caractère d’Alcibiade : s’emportant au bien comme au mal avec le même abandon, le même éclat. Ses écarts donnèrent lieu à des changements considérables dans la république. Nicias, quoique débarrassé de Cléon, n’eut pas le temps de rétablir dans Athènes le repos et le calme. À peine avait-il remis les choses en voie de salut, qu’entraîné par le cours impétueux de l’ambition d’Alcibiade, il se trouva de nouveau rejeté dans la guerre. Voici comment. Ceux qui étaient le plus opposés à la paix de la Grèce étaient Cléon et Brasidas, parce que la guerre couvrait la perversité de l’un et faisait briller le mérite

  1. Homère, Odyssée, IV, 230.