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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/129

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NICIAS.

étaient dans une grande appréhension et un égal danger, car il semblait que l’ostracisme ne pût tomber que sur l’un ou l’autre. On détestait la vie que menait Alcibiade ; on frémissait de son audace effrénée, comme nous l’avons exposé plus longuement dans sa Vie[1]. Quant à Nicias, ce qui excitait contre lui une certaine animosité, c’était sa richesse, et surtout sa manière d’être, que l’on trouvait insociable, impopulaire, sauvage, oligarchique, étrange. Plusieurs fois déjà il avait résisté aux désirs du peuple, et l’avait entraîné contre son gré à des partis utiles ; et par là il était devenu odieux. En un mot, il y avait lutte entre les jeunes gens et le parti de la guerre d’une part, et de l’autre le parti de la paix et les hommes d’un âge plus avancé ; les uns voulaient bannir Nicias, les autres Alcibiade.

Mais, dans la sédition, le plus scélérat même a sa part aux honneurs[2].


C’est ce qui advint alors : le peuple, divisé en deux partis, laissa le champ libre aux plus effrontés et aux plus méchants. Il y en avait un, entre autres, nommé Hyperbolus[3], du dème Périthoïde[4]. Ce n’était pas un homme qui tînt son audace de sa puissance, mais bien sa puissance de son audace ; la considération dont il jouissait dans l’État était une honte pour Athènes : il se croyait alors lui-même bien loin de l’ostracisme, car il était plus digne du pilori ; et pourtant il espérait que, si l’un de ces deux rivaux était banni, il deviendrait, lui Hyperbolus, l’adversaire de celui qui resterait. Aussi ne

  1. Cette Vie est dans le premier volume.
  2. Ce vers a déjà été cité dans la comparaison de Lysandre et de Sylla.
  3. Voyez la Vie d’Alcibiade.
  4. Ce dème, peuplé, dans l’origine, par des réfugiés thessaliens, était situé près des montagnes qui séparent l’Attique de la Béotie.