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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/134

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NICIAS.

tions s’en affligeaient, et craignaient, en voyant ces préparatifs et ce déploiement de forces, que tout cet éclat, cette grandeur, cette magnificence ne fût bientôt flétrie[1].

Que Nicias se fût opposé à ce que l’on décrétât cette expédition, qu’il ne se fût pas laissé enivrer d’espérances, ni éblouir par la grandeur du commandement, et qu’il fût demeuré ferme dans son premier sentiment, tout cela était d’un bon citoyen et d’un homme sage. Mais, après avoir fait inutilement tous ses efforts pour détourner le peuple de la guerre, et s’exempter du commandement, sans pouvoir rien obtenir par ses prières ; lorsque le peuple l’eut pris, et, pour ainsi dire, emporté et mis de force à la tête de l’armée, alors il ne s’agissait plus de circonspection, de lenteur : il n’était plus temps de regarder sans cesse du vaisseau vers le rivage, comme un enfant, et de rappeler et de répéter sans cesse que si son opposition avait été vaincue, ce n’était point par la raison. C’était décourager ses collègues, déflorer l’entreprise et la ruiner. Il fallait, au contraire, se mettre à l’œuvre sur-le-champ, s’attacher aux ennemis, et forcer la Fortune par des actions de vigueur.

Lamachus était d’avis de faire voile droit vers Syracuse, et de livrer bataille tout près de la ville ; Alcibiade, de détacher les villes du parti des Syracusains, et de marcher ensuite contre eux. Nicias fut d’un avis tout opposé : il voulait qu’on se contentât de longer les côtes et de faire ainsi tranquillement le tour de la Sicile, et qu’on s’en retournât à Athènes, après avoir fait montre de ces armes et de ces trirèmes, et avoir coulé quelques troupes dans Égeste. Il rompit aussitôt tous leurs plans, et détruisit leur confiance.

Peu de temps après, les Athéniens rappelèrent Alci-

  1. Allusion à la courte durée des fleurs qui formaient les jardins d’Adonis.