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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/147

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NICIAS.

chaient eux-mêmes le nombre et l’éclat de leurs armes, tandis que la lueur de la lune, reflétée sur les boucliers de ceux qu’ils avaient en face d’eux, rendait les armes de ceux-ci plus brillantes, et multipliait leur nombre. Enfin ils lâchèrent pied ; et alors, enveloppés complètement, ils furent tués en fuyant, les uns par les ennemis, les autres par leurs propres gens, d’autres en tombant du haut des rochers. Lorsque le jour parut, la cavalerie des Syracusains prit et tailla en pièces ceux qui erraient dispersés dans la plaine. Il y eut deux mille morts ; et de ceux qui échappèrent bien peu se sauvèrent avec leurs armes.

Frappé comme il s’y était attendu, Nicias reprochait à Démosthène sa témérité. Celui-ci, après avoir cherché à justifier sa conduite, exprima l’avis qu’on mît à la voile en toute hâte pour partir ; car il ne devait plus leur venir d’autres forces, et avec celles qui leur restaient ils ne pouvaient plus vaincre. Et, fussent-ils même vainqueurs, il leur faudrait décamper, fuir un climat connu pour être ordinairement dangereux et malsain à une armée, et que la saison rendait mortel. L’automne commençait ; la plupart des soldats étaient malades, et tous étaient découragés. Nicias entendit avec peine prononcer les mots de fuite et d’embarquement. Ce n’est pas qu’il ne craignît point les Syracusains, mais il redoutait encore plus les Athéniens, leurs tribunaux, leurs calomnies. Il se mit donc à dire et à répéter que l’on n’avait à attendre dans ce pays rien de bien terrible ; et que d’ailleurs, le cas échéant, il aimait mieux la mort de la main de ses ennemis que de celle de ses concitoyens : sentiment bien différent de celui de Léon le Byzantin, lequel, à une époque plus rapprochée de nous[1], disait à ses concitoyens : « J’aime mieux mourir par vous qu’avec vous. » Il ajouta

  1. Du temps d’Alexandre le Grand.