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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/189

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attirer sur eux tes coups et ta poursuite ; mais lui, on ne le voit nulle part. »

Tout cela était faux. Hyrodès avait partagé son armée en deux corps ; lui-même il ravageait l’Arménie pour se venger d’Artavasdès[1], et il avait envoyé Suréna contre les Romains. Et ce n’était point les mépriser, comme quelques-uns le prétendent. En effet, il n’était pas possible que le même homme dédaignât pour adversaire Crassus, un des premiers personnages de Rome, et qu’il s’en allât guerroyer contre un Artavasdès, courir les campagnes de l’Arménie et les dévaster. Non ; je crois plutôt que, par crainte du danger, il voulait observer de loin et attendre l’événement. Voilà pourquoi il lança devant lui Suréna, pour tâter l’ennemi et l’entraîner à sa suite.

Suréna n’était pas un homme ordinaire. Par sa richesse, sa naissance, sa gloire, il était le premier après le roi ; par son courage et son habileté, il l’emportait sur tous les Parthes de son temps. Pour la taille et la beauté du corps, il n’avait point d’égal. Quand il était en marche, il menait toujours avec lui mille chameaux chargés de ses bagages, et deux cents chariots portant ses concubines. Mille chevaux de grosse cavalerie et un plus grand nombre de cavalerie légère formaient son escorte. En tout il n’avait pas moins de dix mille hommes, tant cavaliers que valets et esclaves. Pour ce qui est de sa naissance, il possédait le privilège héréditaire de ceindre le premier le diadème aux rois des Parthes à leur avènement. Hyrodès, le roi actuel, avait été chassé : c’est lui qui l’avait ramené chez les Parthes ; la grande ville de Séleucie, c’est Suréna qui l’avait prise pour lui, en montant le premier sur les murailles, et en mettant en fuite de sa propre main ceux qui les défendaient. Il n’avait pas alors trente ans, et il avait

  1. C’est le même que Plutarque a nommé plus haut Artabaze.