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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/193

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général eut fait élever le signal du combat tout d’abord la plaine fut remplie d’une clameur terrible et d’un bruissement effrayant. Car les Parthes ne s’excitent pas au combat par le son du clairon et de la trompette ; mais ils font un grand bruit de tous côtés, en frappant sur des vases d’airain avec des marteaux creux couverts de cuir ; et ces instruments rendent un son sourd et affreux, comme un mélange de rugissements sauvages et de roulements de tonnerre. Ils ont fort bien observé que le sens de l’ouïe est celui qui porte le plus aisément le trouble dans l’âme, qui émeut le plus vite les passions, et transporte le plus vivement l’homme hors de lui-même.

À ce bruit, les Romains furent saisis de stupeur. Tout à coup les Parthes, jetant bas les voiles qui couvraient leurs armes, parurent comme tout en feu : leurs casques et leurs cuirasses, de fer margien[1], brillaient d’un éclat vif et éblouissant ; leurs chevaux étaient bardés de fer et d’airain. À leur tête paraissait Suréna : c’était un homme grand et beau, bien fait de sa personne ; et son air efféminé semblait démentir sa réputation de bravoure : il aimait à se parer à la manière des Mèdes, à se peindre le visage, à bien séparer ses cheveux sur le front ; les autres Parthes laissaient croître encore leurs cheveux à la manière des Scythes, pour se donner un air plus terrible.

Ils voulurent d’abord charger les Romains à coups de piques, pour pousser et enfoncer les premiers rangs ; mais, lorsqu’ils virent la profondeur de ce corps, dont tous les boucliers se tenaient, dont les hommes ne faisaient qu’un tout inébranlable, ils se retirèrent ; et l’on eût dit qu’ils rompaient leurs rangs et se dispersaient. Sans que les Romains s’en aperçussent, ils enveloppaient

  1. Il paraît que le pays des Murgiens était voisin de l’Hyrcanie.