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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/215

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mandement de l’armée, on ne cessa de lever la main pour l’élire, comme le plus habile général et le meilleur. Crassus, au contraire, désira pendant toute sa vie le commandement militaire ; et il ne parvint à l’obtenir que dans la guerre des esclaves, et par nécessité, parce que Pompée, Marcellus et les deux Lucullus étaient éloignés ; et cependant c’est alors qu’il était le plus considéré et le plus puissant. Mais, à ce qu’il paraît, aux yeux mêmes de ceux qui montraient le plus d’empressement pour lui, c’était un homme, suivant l’expression du poète comique[1],

Très-bon à tout, excepté au combat ;

et cette persuasion ne servit de rien aux Romains, qui furent forcés de céder à sa passion pour l’argent et pour les honneurs. Les Athéniens envoyèrent Nicias à la guerre malgré lui ; Crassus y emmena les Romains malgré eux. L’un dut ses malheurs à sa patrie ; l’autre, sa patrie lui dut les siens.

Il y a cependant en cela plutôt matière à louer Nicias qu’à blâmer Crassus. L’un avait l’expérience et faisait le raisonnement d’un prudent capitaine ; et il ne se laissa point séduire par les fausses espérances de ses concitoyens, mais il se refusa, il renonça à conquérir la Sicile. Crassus, en entreprenant la guerre des Parthes, eut tort de la traiter comme œuvre d’une exécution très-facile. Mais il aspirait à un but plein de grandeur. César subjuguait l’Occident, les Celtes, les Germains, la Bretagne ; lui, il s’en allait pousser son cheval vers l’aurore et la mer de l’Inde, et faire la conquête de l’Asie. Pompée avait aspiré à cette conquête, et Lucullus l’avait entreprise : c’était des hommes d’un naturel doux ; ils conservèrent leur bonté envers tout le monde, quoiqu’ils

  1. Ménandre, ainsi désigné comme le poète comique par excellence.