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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/233

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en juger par ses lettres. Ce qui incommodait surtout ses soldats, c’était l’espace étroit où ils se trouvaient resserrés : enfermés dans de petites maisons sur un terrain de deux stades[1] de circuit, ils pouvaient à peine se retourner et faire quelques exercices après les repas ; leurs chevaux, faute d’action, s’alourdissaient. Eumène, pour dissiper cette langueur causée par l’oisiveté, et aussi pour les rendre plus légers à la fuite, si elle devenait nécessaire, assigna pour promenade aux hommes la plus grande maison qui fût dans la place, et qui avait quatorze coudées de long, en leur commandant de presser peu à peu le pas. Pour les chevaux, il les faisait suspendre les uns après les autres avec de longues sangles attachées au faîte du toit, et qu’on leur passait sous le cou : après quoi on les enlevait en l’air au moyen de poulies : de manière qu’ils n’étaient appuyés que sur les pieds de derrière, et que, des pieds de devant, ils touchaient à peine la terre du bout de la pince. Dans cette position, les palefreniers les excitaient par des cris et par des coups de fouet ; et eux, tout remplis de colère et de rage, ruaient de leurs pieds de derrière et bondissaient avec violence, cherchant à s’appuyer de leurs pieds de devant et à frapper la terre, et donnant à tout le corps une tension si forte, qu’ils étaient tout essoufflés et couverts de sueur. C’était là un excellent exercice, et pour l’agilité et pour la force. On leur jetait ensuite leur orge pilée, afin qu’elle fût plus facile à digérer et de meilleure concoction.

Pendant que le siège traînait en longueur, Antigonus apprit qu’Antipater était mort en Macédoine, et que les affaires étaient dans un complet désordre, par suite des querelles de Cassandre et de Polysperchon. Antigonus, qui ne s’en tenait plus à de faibles espérances, et qui

  1. Moins d’un demi-quart de lieue.