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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/261

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quand ils auraient livré les outres aux habitants, de faire sortir les bouches inutiles, afin que l’eau suffit à ceux qui la défendaient. Métellus, dont les soldats avaient consumé leurs provisions, fut vivement affligé du succès de ce stratagème, et il envoya Aquinus, avec six mille hommes, pour ramasser des vivres. Sertorius, informé du départ d’Aquinus, lui dresse une embuscade sur son chemin : trois mille hommes s’élancent du fond d’un ravin couvert de bois, et chargent en queue Aquinus à son retour, tandis que Sertorius lui-même l’attaque de front, le met en fuite, lui tue ou fait prisonniers presque tous ses soldats. Aquinus, après avoir perdu ses armes et son cheval, fut recueilli par Métellus, qui leva honteusement le siège, bafoué par les Espagnols.

Sertorius dut à ces exploits l’admiration et l’amitié des Barbares : ils étaient ravis que qu’il leur eût ôté leur manière sauvage et brutale de combattre, pour leur faire adopter les armes, l’ordonnance et la discipline romaines, transformant une multitude de brigands en une armée véritable. Il prodiguait d’ailleurs l’argent et l’or, pour en orner les casques, pour en émailler les boucliers : il les invitait à se faire des tuniques et des manteaux brodés, leur fournissant ce qui était nécessaire pour cela, et les piquant d’émulation par son exemple. C’est ainsi qu’il les menait à son gré ; mais ce qui lui conquit surtout leurs cœurs, ce fut sa conduite à l’égard des enfants. Dans toutes les nations soumises à son autorité, il prit ceux des premières familles, les rassembla dans Osca[1], ville considérable du pays, et leur donna des maîtres, pour les instruire dans les lettres grecques et romaines. C’était en réalité des otages qu’il se donnait ; mais il ne montrait que le désir de former ces enfants, et de les rendre capa-

  1. Dans un des cantons occupés par les Ilergètes ; c’est aujourd’hui Huesca, en Aragon.