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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/270

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rius, et lui lèche la main droite : c’était la caresse qu’elle avait accoutumé de lui faire auparavant. Sertorius y répond par des témoignages d’une véritable affection, jusqu’à verser des larmes. Après quelques moments de surprise, les spectateurs finissent par battre des mains, en s’écriant que Sertorius est un homme divin et chéri des dieux ; et ils le reconduisent dans sa tente, pleins de joie et se livrant aux plus heureuses espérances.

Durant son séjour sur les terres des Sagontins, il fut forcé d’en venir aux mains avec les ennemis, qui, réduits à une extrême disette, étaient sortis de leur camp pour fourrager et ramasser des vivres. On combattit des deux côtés avec une grande bravoure ; Memmius, le plus habile des lieutenants de Pompée, fut tué au fort du combat. Sertorius l’emportait, et faisait main basse sur ceux qui lui résistaient encore ; il poussait à Métellus lui-même. Métellus, combattant avec une force au-dessus de son âge, fut blessé d’un coup de lance : les Romains qui furent témoins de sa blessure et ceux qui l’apprirent, honteux d’abandonner leur général, et enflammés de colère, reviennent à la charge, couvrent Métellus de leurs boucliers, l’arrachent de force aux mains des ennemis, et font reculer les Espagnols. La victoire change ainsi de face ; et Sertorius, pour assurer du moins la retraite des siens et se donner le temps d’avoir de nouveaux renforts, se retire dans une ville de la montagne[1], ville très-forte d’assiette, et dont il répare les murailles et fortifie les portes. Il ne pensait à rien moins qu’à soutenir un siége : il ne voulait que tromper les ennemis. Ils vinrent en effet l’assiéger ; et, dans l’espoir où ils étaient d’emporter la place sans difficulté, ils laissèrent échapper les

  1. On croit que cette ville est Calaguris ou Calagurium, où Strabon dit en effet que Sertorius fut assiégé par Pompée sur la fin de cette guerre.