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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/290

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saient à lui pour demander quelque chose, comptassent particulièrement sur la faveur de Lysandre ? il les renvoyait sans avoir rien obtenu. De même, dans les jugements, ceux auxquels Lysandre était contraire, c’étaient ceux-là qui gagnaient leur cause ; tandis que ceux pour lesquels il se montrait le plus favorable, il leur était difficile d’échapper même à l’amende.

Cela n’arrivait pas une fois par hasard ; mais c’était toujours de même, et comme une chose résolue. Lysandre comprit le motif de cette conduite, et il ne s’en cacha point à ses amis : « C’est à cause de moi, leur disait-il, que vous êtes ainsi maltraités. » Et il leur conseillait d’aller faire leur cour au roi, et à ceux qui avaient plus de crédit qu’il n’en avait. Agésilas crut que, par cette conduite et par ces paroles, il voulait exciter l’envie contre lui ; et, pour le piquer encore plus, il le chargea de distribuer la viande aux soldats, et il ajouta en présence de plusieurs personnes, à ce qu’on dit : « Allez donc maintenant faire votre cour à mon commissaire « des vivres. » De quoi Lysandre se plaignant : « Certes, Agésilas, dit-il, tu sais parfaitement rabaisser tes amis. — Je sais connaître, répliqua Agésilas, ceux qui veulent être plus puissants que moi. » Et Lysandre : « Mais peut-être, reprit-il, ne suis-je point si coupable que tu le dis. Donne-moi un rang et un poste où je puisse t’être utile sans te causer de chagrin. » Alors il fut envoyé, en qualité de lieutenant, dans l’Hellespont ; et là il gagna un Perse nommé Mithridate[1], du gouvernement de Pharnabaze, et l’amena auprès d’Agésilas avec ses richesses, qui étaient considérables, et deux cents cavaliers.

Cependant la colère de Lysandre ne se borna point là ;

  1. Xénophon le nomme Spithridate, et c’est le nom que Plutarque lui-même lui donne dans d’autres passages.