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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/292

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il y prit plusieurs villes, et s’empara d’un butin considérable. C’était un moyen de montrer à ses amis que, violer une convention, c’est mépriser les dieux, mais qu’à tromper l’ennemi dans ses calculs, il n’y a pas seulement justice, mais gloire, vive satisfaction et profit en même temps.

Cependant, comme il était inférieur en cavalerie, et qu’en consultant les entrailles des victimes on avait vu le foie sans tête, il se retira à Éphèse, et il s’y forma une cavalerie, en déclarant aux citoyens riches que, s’ils ne voulaient pas servir, ils eussent à fournir à leur place chacun un cheval et un homme. Il y en avait beaucoup qui se trouvaient dans ce cas ; et il arriva de là qu’Agésilas eut en peu de temps une cavalerie nombreuse et brave, à la place d’une mauvaise infanterie. Ceux qui ne voulaient pas faire la campagne soudoyaient des hommes disposés à la faire volontairement ; ceux qui ne voulaient pas servir dans la cavalerie payaient à leur place des hommes qui préféraient cette arme. Agamemnon, disait-il, avait fort bien fait d’exempter du service un homme riche et lâche, pour une excellente cavale qu’il en reçut[1]. Agésilas avait recommandé à ceux qui étaient commis à la vente du butin, de vendre nus les prisonniers. Pour les vêtements, Une manquait pas d’acheteurs ; mais pour les hommes, en voyant leurs corps si blancs et si délicats, élevés à l’ombre et qui n’avaient jamais été exercés à la fatigue, on les regardait comme inutiles et de nulle valeur ; on ne faisait que s’en moquer ; et Agésilas, qui était là, disait à ses gens : « Eh bien ! voilà ceux que vous combattez, et ici, ce pourquoi vous combattez. »

Quand le moment fut venu de se remettre en campagne, il annonça qu’il allait envahir la Lydie. Cette fois

  1. Cet homme se nommait Ëchépolus, fils d’Anchise le Grec. Voyez Homère, Iliade, xxiii, 295.