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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/340

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comme il ne reparaissait pas, le bruit se répandit dans le camp que Cinna avait fait tuer le jeune homme. Ceux qui haïssaient de longue main Cinna saisirent cette occasion pour lui courir sus : Cinna prit la fuite ; mais, atteint par un capitaine qui le poursuivait l’épée à la main, il se jette à ses genoux, et lui offre son cachet, qui était d’un grand prix. « Je ne viens pas sceller un contrat, dit avec insulte le capitaine, mais pour punir un tyran impie et injuste. Et il le tua.

Cinna, ayant péri de cette manière, eut pour successeur dans la conduite des affaires Carbon, tyran plus déraisonnable encore. Mais Sylla revenait, désiré de la plupart des Romains, qui envisageaient comme un grand bien, vu les maux présents, ce qui n’était qu’un changement de maître. Tel était le sort déplorable où la ville se trouvait réduite, que, désespérant de recouvrer la liberté, elle ne cherchait qu’une servitude plus douce.

Pompée vivait alors dans le Picénum[1], où il avait des domaines, et où il jouissait de l’affection héréditaire que portaient à sa famille les villes du pays. Voyant que les plus considérables citoyens et les plus gens de bien abandonnaient leurs maisons et se rendaient de tous côtés au camp de Sylla, comme dans un port assuré, il prit aussi la résolution d’y aller ; mais il ne crut pas qu’il fût de sa dignité d’y paraître comme un fugitif qui ne contribuait en rien à la défense commune, et qui venait mendier du secours : il voulut rendre à Sylla un service, et arriver d’une manière honorable, et à la tête d’une armée. Il se mit donc à solliciter, à pousser les Picéniens, qui se prêtèrent avec ardeur à le seconder, et refusèrent d’écouter les émissaires de Carbon. Un certain Vindius s’avisa de dire : « Mais ce Pompée ne fait que sortir de l’école ; et

  1. Contrée au nord-est de Rome, sur la côte de la mer Adriatique : c’est aujourd’hui la Marche d’Ancône.