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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/352

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Lépidus tenta de succéder à l’autorité du dictateur, mais sans user de détours et de déguisements ; il prit sur-le-champ les armes ; et, ranimant les restes des anciennes factions qui avaient échappé aux recherches de Sylla, il se fortifia de leur puissance. Catulus, son collègue, à qui la meilleure et la plus saine partie du Sénat et du peuple s’était attachée, jouissait d’une grande réputation de sagesse et de justice, et passait pour le plus grand des Romains d’alors. Mais on le jugeait plus propre à l’administration civile qu’au commandement des armées. Pompée, requis par les circonstances mêmes, ne balança pas sur le parti qu’il devait suivre : il se rangea du côté des gens de bien, et fut nommé général de l’armée qu’on envoyait contre Lépidus. Déjà Lépidus, avec les troupes de Brutus, avait soumis une grande partie de l’Italie, et occupait la Gaule cisalpine. Pompée n’eut guère besoin que de se montrer pour réduire toutes les villes, hormis la seule Mutine[1], en Gaule, où il tint longtemps Brutus assiégé. Lépidus, profitant de ce délai, se porta vers Rome, et campa sous les murailles, demandant un second consulat, et menaçant les habitants de la ville d’une tourbe sans aveu. Mais une lettre de Pompée, qui mandait que la guerre avait été terminée sans combat, dissipa cette frayeur. Brutus, ou traître à son armée ou trahi par elle, s’était rendu à Pompée. On lui donna une escorte de cavaliers ; et il se retira dans une petite ville située sur le Pô. Mais, le lendemain, Pompée envoya Géminius pour l’y tuer. Ce meurtre fut généralement blâmé ; car, aussitôt après la reddition des ennemis, Pompée avait écrit au Sénat que Brutus s’était volontairement rallié à lui ; et ensuite il écrivit d’autres lettres pour accuser Brutus, qu’il avait fait périr. Ce Brutus était père

  1. C’est aujourd’hui Modène : elle faisait partie de la contrée appelée Gaule cispadane, ou en deçà du Pô.