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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/371

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commandement, enflammées encore par ses différends avec Lucullus, lui faisaient éprouver en cet instant une satisfaction plus vive que jamais. Du reste, ses actions eurent bientôt décelé ses vrais sentiments. Car il fit afficher partout des ordonnances pour rappeler les soldats, et mander par devers lui les rois et les princes soumis à son gouvernement. Quand il fut arrivé en Asie, il ne laissa rien subsister de ce que Lucullus avait fait : il remit aux uns les peines prononcées contre eux, et priva les autres des récompenses qui leur avaient été décernées ; prenant à tâche de montrer aux admirateurs de Lucullus que celui-ci ne disposait plus de rien.

Lucullus lui en fit porter ses plaintes par des amis communs, et l’on convint qu’ils auraient ensemble une conférence : elle eut lieu dans la Galatie. Comme c’étaient deux grands généraux, et qui s’étaient illustrés par de glorieux exploits, les licteurs marchaient devant eux avec leurs faisceaux entourés de branchés de laurier. Lucullus venait d’un pays verdoyant et ombragé ; Pompée, au contraire, avait fait une longue marche à travers des lieux dénués d’arbres et arides. Quand on fut en présence, les licteurs de Lucullus, voyant que ceux de Pompée avaient leurs lauriers desséchés et flétris, leur en donnèrent des leurs, qui étaient fraîchement cueillis, et en couronnèrent leurs faisceaux : on en tira le présage que Pompée venait pour frustrer Lucullus du prix de ses victoires et de la gloire qui devait lui en revenir. Lucullus avait sur Pompée l’avantage d’avoir été consul avant lui, et d’être plus âgé ; Pompée l’emportait par les dignités, à cause de ses deux triomphes. Leur entrevue se passa d’abord avec toute la politesse possible, et avec des marques de réciproque estime : ils exaltèrent les exploits l’un de l’autre, et se félicitèrent de leurs succès ; mais dans la suite de leur conversation ils ne gardèrent plus ni mesure ni retenue : ils en vinrent jusqu’aux injures.