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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/38

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LUCULLUS.

talent de parole qui ne sait discuter que des affaires, et avec lequel les orateurs vulgaires agitent la place publique,

Semblables au thon impétueux s’ébattant dans la mer[1],


mais qui, hors de la place publique,

Meurt à sec faute d’instruction.


Dès sa jeunesse il avait enrichi son esprit par la culture des lettres et des arts libéraux ; et, dans un âge avancé, pour se reposer de ses longs travaux, comme d’autant de combats, il chercha un délassement honnête dans l’étude de la philosophie, donnant l’essor à la partie contemplative de son âme, et, au contraire, réprimant, et amortissant à propos son ambition, depuis le différend qu’il eut avec Pompée. Outre ce que je viens de dire de son savoir, voici encore un trait qu’on en conte. Étant fort jeune, et badinant un jour avec l’orateur Hortensius et l’historien Sisenna, il s’engagea à composer en vers ou en prose, dans la langue grecque ou dans la latine, suivant que le sort en déciderait, le récit de la guerre des Marses[2]. Le sort, à ce qu’il paraît, tomba sur la langue grecque ; car il reste de Lucullus une histoire en grec de la guerre des Marses.

Entre plusieurs marques d’affection qu’il donna à son frère Marcus, les Romains citent surtout la première. Quoiqu’il fût son aîné, il ne voulut point entrer dans les charges avant lui : il attendit que son frère eût atteint

  1. On ne sait pas où Plutarque a emprunté ce vers ainsi que la citation qui va suivre, qui est aussi un vers dans le texte, mais dont on ignore la mesure.
  2. C’est la guerre ordinairement appelée sociale, mais dans laquelle les Marses furent les premiers et les plus dangereux agresseurs des Romains.