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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/392

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pée seraient mal ensemble, il ne pourrait s’attacher à l’un sans avoir l’autre pour ennemi, il travailla à les réconcilier : noble action sans doute, et digne d’un homme d’État, si le motif n’en eût été condamnable, et si l’habileté qu’il déploya dans l’exécution n’eût pas couvert un mauvais dessein. Cette puissance, divisée entre deux rivaux, maintenait l’équilibre dans Rome, ainsi que fait dans un navire la cargaison également répartie ; mais, dès qu’elle fut réunie et pesa tout entière sur un seul point, elle n’eut plus de contre-poids, et finit par ébranler la république et la renverser de fond en comble.

On disait un jour, devant Caton, que les différends survenus depuis entre César et Pompée avaient causé la ruine de la république : « Vous vous trompez, dit-il, de l’imputer aux derniers événements ; ce n’est ni leur discorde, ni leur inimitié, c’est leur amitié et leur union, qui ont été pour Rome le premier malheur et le plus funeste. » Ce fut là, en effet, ce qui porta César au consulat ; et il l’eut à peine obtenu qu’il proposa, pour flatter la populace, les pauvres et les indigents, l’établissement de nouvelles colonies et des partages de terres : avilissant ainsi la dignité de sa magistrature, et faisant, en quelque sorte, dégénérer en tribunat la puissance consulaire. Bibulus, son collègue, s’opposait à ces entreprises ; et Caton se préparait à soutenir Bibulus de toute sa force, lorsque César amène Pompée à la tribune, et lui demande à haute voix s’il approuve ses lois. Sur sa réponse affirmative, il lui demande encore : « Si quelqu’un use de violence contre elles, viendras-tu auprès du peuple pour les soutenir ? — Oui certes, dit Pompée, je viendrai ; et, contre ceux qui nous menacent de l’épée, j’apporterai l’épée et le bouclier. »

Pompée n’avait encore rien fait qui eût ce caractère de violence ; et ses amis disaient, pour l’excuser, que cette