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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/407

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César marchait sur Rome, on ne voyait pas avec quelles troupes on pourrait lui résister, il répondait, d’un air riant et d’un visage serein, qu’il ne fallait pas s’en inquiéter : « En quelque endroit de l’Italie que je frappe du pied, disait-il, il en sortira des légions. »

César, de son côté, s’appliquait à ses affaires plus fortement que jamais ; il s’approchait de l’Italie, et ne cessait d’envoyer des soldats à Rome pour assister aux comices. Il gagnait sous main et corrompait à prix d’argent plusieurs des magistrats, entre autres le consul Paulus, qu’il attira à son parti en lui donnant quinze cents talents[1], Curion, tribun du peuple, dont il paya les dettes immenses, et Marc-Antoine, ami de Curion, et qui s’était rendu caution pour ses dettes. Un des capitaines qui étaient venus de l’armée de César, se tenait à la porte du Sénat : ayant su que les sénateurs refusaient à César la prolongation de son gouvernement, il frappa de sa main sur son épée, en disant : « Voici qui la lui donnera. » Telle était, en effet, la pensée secrète qui dirigeait toutes les démarches et tous les préparatifs de César. Il est bien vrai que les demandes et les propositions que Curion faisait au nom de César, paraissaient plus raisonnables : il demandait, de deux choses l’une, ou que Pompée licenciât ses troupes, ou que César ne fût point dépouillé des siennes. « Réduits à l’état de simples particuliers, disait-il, ils en viendront à des conditions équitables ; ou, s’ils restent armés, ils se tiendront tranquilles, contents de ce qu’ils possèdent ; au lieu qu’affaiblir l’un par l’autre, ce serait doubler la puissance qu’on craint. » Le consul Marcellus, en répondant à Curion, traita César de brigand, et proposa, s’il ne voulait pas mettre bas les armes, de le déclarer ennemi de la patrie. Mais Curion, soutenu par Antoine et par Pison, vint à bout de faire passer sa

  1. Environ neuf millions de notre monnaie.