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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/409

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de conciliation. Car Antoine, malgré le Sénat, avait lu devant le peuple une lettre de César, qui contenait des propositions faites pour séduire la multitude : il demandait que Pompée et lui quittassent leurs gouvernements, et licenciassent leurs troupes, pour se présenter devant le peuple, et rendre compte de leurs actions. Lentulus, qui exerçait déjà les fonctions de consul, n’assemblait point le Sénat ; Cicéron, nouvellement arrivé de Cilicie, proposait, pour accommodement, que César quittât la Gaule, et licenciât toute son armée, à l’exception de deux légions, qu’il conserverait avec le gouvernement de l’Illyrie, en attendant son second consulat. Pompée désapprouva ces conditions ; et les amis de César consentirent au licenciement de l’une des deux légions réservées. Mais Lentulus repoussa encore la proposition, et s’écria que Pompée faisait une grande faute en se laissant ainsi duper ; et la négociation n’aboutit point.

On annonça, sur ces entrefaites, que César s’était emparé d’Ariminium[1], ville considérable de l’Italie, et qu’il marchait droit sur Rome avec toute son armée. Mais cette dernière circonstance était fausse : César n’avait avec lui que trois cents chevaux et cinq mille hommes d’infanterie ; il était parti sans attendre le reste de ses troupes, qui étaient encore au delà des Alpes, parce qu’il voulait tomber brusquement sur des gens troublés et qui ne l’attendaient pas, au lieu de leur donner le temps de revenir de leur frayeur, et d’avoir à les combattre bien préparés. Arrivé sur les bords du Rubicon[2], qui faisait la limite de son gouvernement, il s’arrêta en silence, réfléchissant en lui-même sur la grandeur et la témérité de son entreprise, et différa quelque temps de passer le

  1. Ville de l’Ombrie, sur la mer Adriatique ; n’est aujourd’hui Rimini.
  2. Petite rivière un peu au-dessus d’Ariminium.