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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/411

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Cependant l’Italie presque tout entière était en révolution ; partout régnait la plus grande perplexité. Ceux du dehors accouraient à Rome de toutes parts, tandis que les habitants de Rome se hâtaient d’en sortir et d’abandonner la ville. Et en effet, dans une si grande tempête, dans un trouble si violent, les citoyens bien intentionnés étaient trop faibles ; les mauvais citoyens, au contraire, opposaient aux magistrats une force redoutable, et difficile à réduire. Il était d’ailleurs impossible de calmer la frayeur générale ; et Pompée n’avait pas la liberté de suivre ses propres conseils pour remédier au désordre : chacun, selon la passion dont il se sentait affecté, cherchait à lui faire partager ou sa crainte, ou sa tristesse, ou son agitation, ou son inquiétude : aussi prenait-il dans un même jour les résolutions les plus contraires. Il ne pouvait rien savoir de certain sur les ennemis : on lui rapportait à chaque instant les nouvelles les plus hasardées ; et, s’il se refusait à croire, on s’irritait contre lui. Enfin il fit déclarer qu’il y avait tumulte[1] ; il ordonna à tous les sénateurs de le suivre, protestant qu’il regarderait comme partisans de César tous ceux qui resteraient dans Rome ; et le soir il quitta la ville. Les consuls s’enfuirent aussi, sans avoir même fait aux dieux les sacrifices d’usage avant une guerre. Pompée ne laissait pas, dans cette affreuse extrémité, de paraître encore digne d’envie, à raison de l’affection que tout le monde lui témoignait. Car, si beaucoup de Romains blâmaient cette guerre, personne ne haïssait le général, et on en vit un grand nombre le suivre, moins par amour pour la liberté, que parce qu’ils ne pouvaient se résoudre à abandonner Pompée.

Peu de jours après César entra dans Rome. Maître de

  1. C’était la formule consacrée pour dire officiellement qu’un grand danger menaçait les institutions.