Aller au contenu

Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çait toute l’autorité, assembla un conseil des principaux courtisans. Il invita ces hommes, qui n’avaient d’autre pouvoir que celui qu’il voulait bien leur communiquer, à exposer chacun son avis. Quelle humiliation pour le grand Pompée de voir son sort à la merci des résolutions de Pothin l’eunuque, de Théodotus de Chio, maître de rhétorique à gages, et de l’Égyptien Achillas ! car ces trois hommes, pris entre les valets de chambre du roi, et parmi ceux qui l’avaient élevé, étaient ses principaux ministres : c’était là le conseil dont Pompée, arrêté à l’ancre loin du rivage, attendait la décision, lui qui trouvait indigne de sa grandeur de devoir la vie à César ! On proposa les avis les plus opposés : les uns voulaient qu’on renvoyât Pompée, les autres qu’on le reçût ; mais Théodotus, pour faire parade de son art de rhéteur, soutint qu’il n’y avait de sûreté dans aucun de ces deux avis. « Recevoir Pompée, disait-il, c’est se donner César pour ennemi et Pompée pour maître ; mais, si nous le renvoyons, il pourra se venger un jour d’avoir été chassé, et César aussi d’avoir été réduit à le poursuivre : le meilleur parti est donc de le recevoir et de le faire périr ; par là nous obligerons César, sans avoir à craindre Pompée. » Et il ajouta, dit-on, en souriant : « Un mort ne mord pas. »

On adopta cet avis ; et Achillas fut chargé de l’exécution. Il prend avec lui deux Romains, Septimius et Salvius, qui avaient été autrefois, l’un chef de bande, et l’autre centurion sous Pompée. Il y joint trois ou quatre esclaves, et se rend avec cette suite au vaisseau de Pompée. Tous les principaux des compagnons de Pompée s’y étaient rassemblés, pour voir quel serait le succès du message. Lorsqu’au lieu d’une réception royale, ou tout au moins magnifique, et qui répondît aux espérances qu’avait données Théophane, ils ne virent qu’un petit nombre d’hommes qui s’avançaient, montés dans un bateau de