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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/452

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mit de nouveaux habitants tirés de divers peuples, et lui donna le nom d’Alexandropolis. Il paya de sa personne dans la bataille que Philippe livra contre les Grecs à Chéronée ; et ce fut lui, dit-on, qui chargea le premier le bataillon sacré des Thébains. On montrait encore, de mon temps, aux bords du Céphise, un vieux chêne appelé le chêne d’Alexandre, près duquel on avait tendu son pavillon dans cette journée ; et c’est dans le voisinage de ce lieu qu’est le cimetière où l’on enterra les Macédoniens. Tous ces exploits, comme on peut bien croire, portaient au comble la tendresse de Philippe pour son fils ; jusque-là qu’il était ravi d’entendre les Macédoniens donner à Alexandre le nom de roi, et à lui-même celui de général.

Mais les troubles que causèrent dans la maison royale les mariages et les amours de Philippe, ces agitations du gynécée dont la contagion se communiqua en quelque sorte à tout le royaume, soulevèrent entre lui et son fils de fréquents débats et des querelles violentes, que l’humeur hautaine d’Olympias, femme naturellement jalouse et vindicative, fomentait encore en aigrissant Alexandre. Attalus fit éclater l’orage, aux noces de Cléopâtre, dont Philippe s’était épris, malgré la disproportion de l’âge, et qu’il épousa toute jeune. Attalus, oncle de Cléopâtre, ayant bu, dans le festin, avec excès, invitait les Macédoniens à demander aux dieux qu’il naquît de Philippe et de Cléopâtre un héritier légitime de la royauté. « Et moi, scélérat, dit Alexandre, furieux de cet outrage, me prends-tu donc pour un bâtard  ? » Et en même temps il lui jette sa coupe à la tête. Philippe se lève de table, et court sur son fils l’épée nue à la main ; mais, par bonheur pour l’un et pour l’autre, la colère et l’ivresse le firent chanceler, et il tomba. Alors Alexandre, insultant à sa chute : « Macédoniens, dit-il, voilà l’homme qui se préparait à passer d’Europe en Asie : il se laisse tomber en passant