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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/472

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Éphémérides[1]. Rentré chez lui, il se baignait ou se faisait frotter d’huile, et demandait aux chefs des panetiers et des cuisiniers si on avait préparé un bon souper. Il ne commençait son repas qu’à la nuit close, et soupait couché. Il avait un soin merveilleux de sa table, et veillait lui-même à ce que tous les convives y fussent servis également, que rien n’y fût négligé ; et, comme je viens de le dire, il y restait de longues heures, parce qu’il aimait à causer. C’était, pour tout le reste, le plus aimable des rois dans le commerce de la vie : il ne manquait d’aucun moyen de plaire ; mais, à table, il se rendait importun à force de se vanter, et sentait un peu trop son soldat fanfaron : outre qu’il se portait de lui-même à exalter ses propres exploits, il se livrait aux flatteurs, et se laissait maîtriser à leur gré. Leur impudence mettait à la gêne les convives les plus honnêtes, lesquels ne voulaient ni lutter avec eux d’adulation, ni rester en défaut sur ses louanges : ils auraient rougi de l’un, et l’autre les exposait aux plus grands dangers.

Après le souper, il prenait un second bain, et se couchait : il dormait souvent jusqu’à midi ; quelquefois tout le jour. Il était d’ailleurs si tempérant dans l’usage des mets recherchés, que, lorsqu’on lui apportait des pays maritimes ce qu’il y avait de plus rare en fruits et en poissons, il en envoyait à chacun de ses amis, et souvent ne s’en réservait rien. Cependant sa table était toujours somptueuse : il en augmenta la dépense avec sa fortune, et la porta à la fin jusqu’à dix mille drachmes[2]. Il s’en tint à cette somme ; et ce fut la limite fixée pour ceux qui lui donnaient à souper.

  1. C’était, comme l’indique le mot, un journal des faits de la vie d’Alexandre ; il avait été rédigé par Eumène de Cardie et Diodatus d’Erythrée.
  2. Environ neuf mille francs de notre monnaie