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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/474

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rait sa Tyr[1]. On montre encore une source près de laquelle il vit ce satyre en songe.

Vers le milieu du siège, il alla faire la guerre aux Arabes qui habitent l’Anti-Liban. Il y courut risque de la vie, à cause de Lysimachus son précepteur. Lysimachus avait voulu le suivre à cette expédition, disant qu’il n’était ni moins courageux, ni plus vieux que Phœnix[2]. Quand on fut au pied de la montagne, Alexandre quitta les chevaux pour la monter à pied. Les autres avaient déjà gagné beaucoup de chemin en avant sur lui ; mais, comme il était déjà tard, et que les ennemis n’étaient pas loin, il ne voulut pas abandonner Lysimachus, accablé de fatigue, et qui traînait à peine son corps appesanti. Occupé à l’encourager, à soutenir sa marche chancelante, il ne s’aperçut pas qu’il s’était séparé de son armée, avec une poignée de monde, et que, par une nuit obscure et un froid très-piquant, il était engagé dans des lieux difficiles. Il vit de loin un grand nombre de feux que les ennemis avaient allumés de côté et d’autre. Se confiant à sa légèreté naturelle, et accoutumé de tout temps à payer de sa personne pour alléger aux Macédoniens le poids de leurs peines, il court à ceux des Barbares dont les feux étaient le plus proche, en perce de son épée deux qui étaient assis auprès du feu, et, prenant un tison allumé, il revient trouver les siens. Ils allumèrent de grands feux ; et les Barbares, effrayés, s’enfuirent précipitamment. Ceux qui essayèrent de les charger furent mis en déroute ; et les Macédonien passèrent la nuit sans danger. Tel est le récit de Charès.

  1. Le jeu de mots est plus complet en grec que je n’ai pu le faire en français : le mot σάτυρος, satyre, partagé en deux, donne σὰ Τύρος, ta Tyr, tua Tyrus. J’ai changé le langage direct des devins en un discours indirect.
  2. Phœnix, gouverneur d’Achille, avait suivi son élève au siège de Troie On se rappelle, du reste, que Lysimachus aimait à se donner à lui-même le nom de Phœnix, et à Alexandre celui d’Achille.